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La Norvège est de l’avis de la Suisse, parce qu’avec la coéducation l’école rappelle mieux la vie de famille ; parce que les écoles séparées ont une tendance à développer les défauts particuliers à chaque sexe ; enfin parce qu’elle veut que l’enfance soit joyeuse, et qu’une maison sans mère ne l’est jamais. Mais tout dépend de l’esprit de l’école, du choix des professeurs appartenant aux deux sexes. L’impulsion donnée est tout : l’excellence ou l’infériorité de l’école en résulte.

La Suède et la Finlande veulent aussi que l’école ne se propose plus de former, comme elle faisait autrefois, des hommes d’un côté, des femmes de l’autre, mais de développer un type d’humanité aussi élevé que possible. Les seules réserves qu’imposeraient de bons juges en ces matières sont pour les adolescens, de treize à dix-huit ans. Jusqu’à leur douzième année, les petits garçons et les petites filles gagnent à être réunis ; la rencontre des jeunes gens à l’Université ne paraît offrir aucun inconvénient, mais il y a un âge de transition où le rapprochement des sexes doit être évité. On est de cet avis dans les parties de l’Amérique qui ressemblent le plus à notre vieille France ; et celle-ci fera bien de se rappeler que le fonctionnement admirable de la coéducation dans l’Ouest des États-Unis ne convertit pas à ces méthodes les États moins neufs de l’Est.

Il semble cependant, à entendre discourir chez nous les partisans de l’école mixte, que ce soit là une panacée souveraine. Les Anglais, qui en ont de prudens essais, leur diraient qu’il ne suffit pas toujours d’élever ensemble des garçons et des filles pour réformer les mœurs. Nous ne sommes ni des Américains, ni des Scandinaves, ni des Suisses, et, seules, quelques-unes de nos écoles primaires de village, dans les régions lointaines et primitives où elles existent encore, peuvent affronter impunément ce régime contraire à nos préjugés, à nos usages et à notre tempérament.

Laissons l’Amérique se vanter, en attendant qu’elle vieillisse à son tour, d’être le champ le plus favorable à tous les genres d’expérimentations, et bornons-nous à suivre du regard ces tentatives dont le péril même nous intéresse, dont la naïveté nous fait quelquefois sourire. D’ailleurs l’Amérique elle-même ne se hâte pas de détruire ce qu’elle possède sous prétexte de le perfectionner. C’est à très juste titre que ses écoles publiques sont considérées comme l’un des plus puissans instrumens de la