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IMPRESSIONS DE FRANCE

II[1]
LA VILLE MOYENNE. — LAON

Grimpée sur son rocher, la très vieille ville regarde, autour d’elle, la campagne qui commence à s’endormir dans la tiède lassitude d’un après-midi d’automne. Elle est très haut perchée au-dessus de la plaine et la domine jusqu’à dix lieues, jusqu’à vingt lieues peut-être, apercevant au loin, par les jours clairs, sur une autre éminence, perdue dans la brume, le profil estompé de l’autre ville, plus moderne et plus riche, sa rivale.

Mais, renfermée dans son immobilité morose, elle n’est que plus fière et plus sûre d’elle-même, puisque, malgré tout, malgré l’âge, malgré les changemens, et malgré ce qu’on appelle le progrès, elle est encore un chef-lieu, une capitale, aujourd’hui comme il y a dix siècles. C’est une cité très ancienne, évangélisée au IIIe siècle, érigée en évêché depuis Clovis, et qui, depuis Charlemagne, n’a pas bougé. Les contemporains de Charles le Simple la reconnaîtraient. La distribution est la même, les quartiers sont les mêmes, la cathédrale est au même endroit où fut la primitive église et où s’élevait le temple dédié aux divinités romaines et aux divinités gauloises. La citadelle est à la même place. Et, depuis des centaines et des centaines d’années, la ville voit le soleil de midi illuminer « la Cuve » qui se creuse à

  1. Voyez la Revue du 15 février.