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l’espoir de se faire livrer par ce général l’Alsace, ses places fortes et ses garnisons. Le Directoire ignorait encore ou soupçonnait à peine ce qui se tramait aux bords du Rhin. Il croyait n’avoir devant lui, dans le Midi, que des émeutes partielles et peu redoutables, encore qu’il y vit la main des émigrés. Châteauneuf-Randon, qui demeurait chargé de les combattre et de les écraser, avait établi son quartier général à Montpellier, d’où il envoyait ses ordres aux généraux placés sous son coin mandement. « J’y périrai, mandait-il aux autorités de l’Hérault, ou j’arrêterai dans sa source cette Vendée vastement combinée. »

Sa confiance, que partageait le Directoire, fut brusquement ébranlée. Coup sur coup, des incidens imprévus venaient révéler au gouvernement que ces soulèvemens isolés résultaient d’un complot. C’est de la Franche-Comté que lui arriva la lumière. Le 5 décembre, la police que le Directoire entretenait dans cette province était avertie qu’un individu, débarqué à Besançon depuis peu de jours sous le nom d’Alexandre, levait des recrues au nom du roi de France. On l’avait vu circuler dans la ville, aller, venir, fréquenter les cafés. Toutefois, comme il avait fait viser son passeport à la municipalité, on ne s’était pas inquiété de ses mouvemens. Signalé à la police par une dénonciation précise, il devint l’objet d’une surveillance spéciale. Elle confirma les dires du dénonciateur. L’arrestation d’Alexandre fut décidée. On y procéda dans la soirée du 12 décembre. Il se laissa prendre sans résistance. Mais, tandis qu’on le conduisait de son auberge à la prison, il s’échappa. A la faveur de la nuit, il se perdit dans le dédale des rues de la ville. Le lendemain, les douaniers postés sur la frontière suisse, à qui son signalement avait été donné l’aperçurent au moment où il essayait de la franchir. Ils se lancèrent à sa poursuite, mais sans parvenir à l’atteindre. En racontant leur déconvenue à la police, ils lui remirent une liasse de papiers que, serré de près et craignant d’être pris, le fugitif avait jetée dans un fossé.

Parmi ces papiers, se trouvait une lettre adressée par l’abbé de Tinseau, ancien vicaire général de Toulouse, à son frère Tinseau d’Amondans, qui résidait à Besançon, et dans laquelle il était question d’un ami de ce dernier, le capitaine du génie Pautenet de Véreux. Cette lettre ne laissait aucun doute quant à l’existence d’un complot royaliste. Rapprochée des autres papiers saisis, elle le révélait avec tous ses moyens. Elle en désignait le