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les tolère-t-on de la part des congrégations qu’on autorise, après les avoir interdits de la part de celles qu’on n’autorise pas ? Comment les tolère-t-on, au moins partiellement, de la part du clergé séculier ? Tous ces argumens sont de vains prétextes : ils ne résistent pas à quelques minutes de discussion. Il n’y a rien d’immoral, rien d’illicite, rien qui soit condamnable et qui puisse être condamné dans les vœux que font les congréganistes. Autrefois, au temps où l’Église était étroitement unie à l’État, celui-ci connaissait de ces vœux, et en prenait l’exécution à sa charge. Le religieux qui s’échappait de son couvent était poursuivi par la maréchaussée et ramené de force dans le giron qu’il avait déserté. Aujourd’hui, l’État ignore des vœux qui n’intéressent plus que la conscience, et ceux qui les ont faits sont libres de ne pas les tenir : aucune loi civile ne saurait les y obliger, ni aucune loi pénale les y contraindre. Mais venir déclarer que les mêmes vœux sont immoraux chez les uns et moraux chez les autres, licites de la part de ceux-ci et illicites de la part de ceux-là, est une absurdité qui ne saurait se soutenir.

La vérité est que les congrégations religieuses doivent rester permises ; mais que, par leur nombre et quelquefois par la nature de leur action, elles peuvent devenir un danger pour la tranquillité de l’État. Il faut les laisser en liberté, mais les surveiller, et, contrairement à ce qu’on a fait jusqu’à ce jour, se tenir au courant de leur développement et de leur propagande. Si elles commettent des actes qui tombent sous le coup de nos lois répressives, leurs membres doivent être poursuivis et punis. Si elles deviennent trop nombreuses, et si les biens qu’elles détiennent prennent une extension excessive, est-ce que le Concordat ne donne pas aux évêques autorité sur tous les établissemens ecclésiastiques de leurs diocèses, et est-ce qu’il ne donne pas au gouvernement des moyens d’agir sur les évêques ? Il lui donne des moyens d’agir sur le Pape lui-même, en établissant entre eux des rapports continuels, portant sur une infinité d’objets ? M. Ribot s’est montré convaincu que le gouvernement pourrait s’entendre avec les évêques pour limiter à de justes bornes l’expansion du mouvement congréganiste. Il a raison. Mais, dans bien des cas, l’intervention du Saint-Siège sera désirable et utile pour mettre ou pour maintenir les congrégations sous l’autorité des évêques. Pour cela, des modalités sont à trouver : étant donné l’esprit qui règne actuellement à Rome, on les trouverait aisément, si on voulait les chercher de bonne foi, avec un désir sincère de s’entendre, c’est-à-dire de clore des querelles irritantes. Nous n’en voulons pour preuve que la lettre de Léon XIII