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surpris : l’amendement, dans sa forme première, était excellent. Le principe en était tout juste l’opposé de celui du projet de loi. Le projet de loi met toutes les associations dans l’obligation de faire une déclaration d’existence, et de solliciter en même temps l’autorisation d’exister. Jusqu’à présent, cette obligation n’a pas été imposée aux associations naissantes, ni même à celles qui vivent depuis plus ou moins de temps. Si elles veulent être reconnues, c’est-à-dire jouir de certains avantages dont le premier peut-être est une sécurité plus grande, il est parfaitement légitime de leur demander de se conformer à des règles préétablies : et c’est ce qui existe déjà. Mais, si elles ne demandent rien, on n’a non plus rien à leur demander, sinon de respecter les lois générales du pays. C’est ainsi qu’un nombre considérable d’associations ont pu se former sans chercher à être reconnues. Elles n’en sont pas moins dans leur droit. On discute pour savoir si elles sont dans la loi, et M. Waldeck-Rousseau propose de les y faire entrer par contrainte. Il ne conçoit l’association que sous la forme d’un contrat qui sera le même pour toutes. Elles devront être coulées dans un moule unique et revêtues de l’estampille officielle. L’union libre est interdite ; la nouvelle morale de l’État n’autorise qu’un mariage bien régulier, avec un contrat obligatoire à l’appui. Il faudra des déclarations, qui seront faites à la préfecture au lieu de l’être à la mairie : on recevra par la suite une autorisation, qui sera donnée par un décret ou par une loi, à moins pourtant qu’elle ne soit refusée. On comprend sans peine qu’un pareil régime ne dise rien qui vaille aux socialistes. M. Groussier a eu bien raison de s’en inquiéter ; il a montré de la prévoyance et de la sagesse ; malheureusement, il ne les a pas montrées jusqu’au bout. Voyant leur amendement défendu par M. Ribot, les socialistes, qui avaient été bien inspirés par une première défiance l’ont été mal par une autre. M. Fournière a proposé d’introduire une exception dans le texte proposé par son collègue, et de dire : « Les associations de personnes, — autres que les associations religieuses, — pourront se former librement… » l’amendement a été voté avec cette réserve. La loi y a gagné en clarté, puisque les associations religieuses, en d’autres termes les congrégations, ont été mises en dehors du droit commun : c’est plus brutal, mais plus franc. C’était, en effet, une des perfidies de la loi de dissimuler dans une loi générale et qu’on dit libérale pour les associations, des dispositions meurtrières contre les congrégations. Grâce à l’amendement de M. Groussier, amendé par M. Fournière, nous savons mieux désormais à quoi nous en tenir. On fait une loi libérale pour les associations, — autres que les