Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/952

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou il dédaigne d’y répondre. Et la discussion poursuit son cours vers le vote final, que rien sans doute ne saurait plus empêcher. On assure toutefois que l’article relatif à la confiscation aura du mal à passer : nous verrons bien.

Un seul amendement a été voté jusqu’ici. Il est à peine besoin de dire qu’il ne venait pas des régions libérales et modérées de la Chambre ; mais il a été appuyé et voté par le centre et même par la droite. Tout en soutenant la loi pour les motifs que nous avons énoncés plus haut, les radicaux et les socialistes, les derniers surtout, ne sont pas sans quelques vagues appréhensions sur les résultats qu’elle pourra produire. Ils sont aujourd’hui au gouvernement, fort étonnés peut-être de s’y voir, et n’ayant qu’une confiance médiocre dans la durée d’une situation aussi rare au cours de l’histoire. D’habitude, la législation n’a pas été bien tendre pour eux. La société qu’ils veulent détruire se sent portée par l’instinct de conservation à se défendre, et elle le fait quelquefois au moyen de lois assez dures. Les lois de ce genre sont restées suspectes aux socialistes, alors même qu’elles ne sont pas immédiatement dirigées contre eux. Ils sentent bien qu’il suffirait d’y changer quelques mots pour qu’elles leur devinssent applicables, et qu’en tout cas elles fournissent des types dont l’imitation ou la reproduction sera désormais plus facile. Aussi le projet de loi sur les associations, tout en les flattant par certains côtés, ne leur a-t-il pas inspiré, dès qu’ils l’ont connu, une pleine sécurité. Ils se sont demandé s’il ne pourrait pas servir à une double fin. On accuse les congrégations religieuses d’être internationales, mais leurs propres associations ne le sont pas moins, et les précautions qu’on prendra contre les premières finiront un jour ou l’autre par retomber sur les secondes. C’est la dynamique immanente des choses.

L’article premier, qui définit les associations, était à peine voté qu’un socialiste, M. Groussier, a demandé qu’on le complétât par l’addition suivante : « Les associations de personnes pourront se former librement sans autorisation ni déclaration préalable, mais elles ne jouiront de la capacité juridique que si elles se sont conformées aux dispositions de l’article 4. » L’article 4 énumère les conditions qu’elles devront remplir pour assurer leur publicité. M. Groussier a parlé avec quelque amertume. Rappelant les services que ses amis et lui-même ont rendus au gouvernement, il a reproché à celui-ci, sous prétexte d’attaquer les congrégations, de menacer les socialistes eux-mêmes. Il a accusé la loi de perfidie. A peine était-il descendu de la tribune que M. Ribot y est monté pour défendre l’amendement. On n’en sera pas