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et du Louvre : son effet s’est poursuivi bien au-delà de l’œuvre personnelle de Memling. On peut dire que c’est elle qui a sauvé la peinture flamande, en l’arrachant à un naturalisme où elle allait dépérissant d’année en année. Que l’on voie, à l’Académie de Bruges, ou au Louvre, ou au musée de Rouen, les premiers tableaux de Gérard David : ce sont encore les figures et les attitudes des Vierges de Memling, à peine un peu moins naïves dans leur douceur calme. Et qu’on voie ensuite, au Palais municipal de Gênes, le grand triptyque du même David, qu’on voie à la chapelle du Saint-Sang de Bruges les tableaux qui lui sont attribués et qui, s’ils ne sont de lui, ont été certainement peints par ses élèves : déjà la manière de Memling s’est élargie, renforcée, a en quelque sorte secoué son enveloppe archaïque ; et c’est Quentin Metsys qui déjà s’y annonce, le maître de la Mise au Tombeau d’Anvers et de la Sainte Anne de Bruxelles. De Memling à Metsys, la filiation est directe, immédiate, incessante. Et l’on sait l’influence qu’a exercée l’œuvre de Metsys sur les destinées ultérieures de l’école flamande : plus que les van Noort et les Otto Vénius, plus que les Italiens eux-mêmes, c’est elle qui a éveillé et entretenu dans l’âme de Rubens le culte de la beauté. C’est ce culte qu’avait le premier apporté à Bruges, vers l’année 1467, un jeune paysan allemand des environs d’Aschaffenbourg : et Von comprend que les Brugeois, en présence de l’art nouveau qu’il leur révélait, l’aient proclamé « le plus habile et excellent peintre de la chrétienté. »


T. DE WYZEWA.