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lapidea. Le peintre était déjà, à cette date, — peut-être par suite de son mariage, — un des habitans les plus riches de la ville : son nom figure parmi les cent quarante citoyens ayant à payer l’impôt le plus fort. Il avait, dans son atelier, de nombreux apprentis : les registres de Bruges mentionnent deux d’entre eux, admis chez lui l’un en 1180, l’autre en 1483. En 1484, Memling peignait, sur la commande du maître-épicier Guillaume Moreel, un triptyque destiné à une chapelle de l’église Saint-Jacques, et aujourd’hui exposé à l’Académie de Bruges. En 1487, il perdait sa femme. C’est dans cette même année qu’il peignait le diptyque de l’hôpital Saint-Jean représentant, d’un côté, la Vierge, de l’autre, le bourgmestre de Bruges, Martin van Nieuwenhove. Le 21 octobre 1489, il achevait l’exécution de la Châsse de Sainte Ursule, généralement considérée comme l’une de ses premières œuvres, tandis qu’elle est, en réalité, une de ses dernières. Et enfin, en 1491, il peignait, — ou plutôt faisait peindre par ses apprentis, — l’énorme polyptyque que lui avait commandé un bourgeois de Lubeck, et qui se voit aujourd’hui encore dans la cathédrale de cette ville d’Allemagne.

Voilà tout ; et c’était d’après ces maigres dates qu’on avait à se représenter la personne et la vie de Memling, lorsque, en 1889, un savant jésuite, le P. Henri Dussart, découvrit, dans la bibliothèque municipale de Saint-Omeren Artois, un manuscrit de l’historien brugeois Jacques de Meyere, où étaient cités divers extraits d’une chronique brugeoise de la fin du XVe siècle. Et, parmi les extraits relatifs à l’année 1494, le P. Dussart eut l’agréable surprise de lire ce qui suit : « Le onze août, est mort dans notre ville maître Hans Memineline, regardé comme le plus habile et excellent peintre de toute la chrétienté. Il était né dans la principauté de Mayence (oriundus erat Maguntiaco), et a été enterré dans l’église Saint-Gilles. » Ainsi, du même coup, nous étaient révélées la date de la mort de Memling et sa véritable patrie, qu’aurait pu faire soupçonner déjà son prénom tout allemand de « Hans. » Et la découverte du P. Dussart confirmait, fort à point, une hypothèse énoncée dès 1865 par un érudit anglais, M. James Weale, qui a voué sa vie à l’étude de Memling. M. Weale avait affirmé, dès 1865, que le nom de Memling devait être tiré du nom de l’endroit où le peintre était né : et il en inférait que le peintre devait être né soit à Memelynck, bourgade hollandaise voisine d’Alkmaar, ou à Mœmling (qu’on écrivait aussi Memling), petit village des environs d’Aschaffenbourg, ayant dépendu jadis de l’évêché de Mayence. M. Weale, en vérité, penchait de préférence pour la ville hollandaise :