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de la réserve de l’armée du Midi, et qui ne s’est décidé à fuir qu’après avoir vu le canon démolir les murailles derrière lesquelles, avec huit hommes qu’électrisait son propre courage, il a résisté durant cinq jours à plusieurs centaines de volontaires. C’est le baron de Saint-Christol, gentilhomme du Comtat, qui rêve d’organiser une année royale et de s’emparer successivement des grandes villes du Midi. C’est encore le chevalier de Lamothe, ancien officier, pour qui la guerre d’escarmouches et de coups de main, à laquelle il se livre, n’est que le prélude d’une prise d’armes générale ; le chevalier Durrieu, audacieux, plein de fougue, surnommé le chevalier de la Lune par les populations du Vivarais au milieu desquelles il est apparu un matin sans qu’on sache qui il est ni d’où il vient ; Pelamourgue, comte de Cassagnouze, qui longtemps a mené une vie errante autour de son château vendu comme bien d’émigré, attendant, d’y rentrer en maître et entinf le marquis de Surville[1] : le plus brillant, le plus séduisant, le plus raffiné de cette élite aristocratique, ancien officier au régiment de Picardie, poète à ses heures et qui devait, à deux ans de là, au moment de périr, léguer à ses héritiers et à son pays, comme une trouvaille faite dans des papiers de famille, les poésies de Clotilde de Surville, — innocente supercherie littéraire qui ne fut percée à jour qu’un peu plus tard, quand il eut été démontré qu’il était l’auteur de ces poésies archaïques.

Puis, à côté de ces gentilshommes, des petits bourgeois, des prêtres réfractaires, des hommes du peuple, qui les dépassent eu énergie, en violence, en cruauté et qui, soit fanatisme, soit conviction, soit cupidité, ne reculent devant aucun excès pour assouvir les vengeances dont ils se sont faits les instrumens : le maçon Levasseur, qui terrorise l’Aveyron ; Fontanieu, dit Jambe-de-Bois, un des agens les plus infatigables de la cause royaliste ; le redoutable Sans-Peur, autrement dire le curé Sollier, ancien prieur de Colognac dans la Lozère, prêtre-soldat qui ne manque jamais de dire la messe à sa troupe avant de la mener à l’assaut de quelque habitation de terroriste : Raymond, curé d’Alleyrac, dans la Drôme, prêtre assermenté qui réunit ses

  1. Né à l’Ile de France vers 1760, d’une noble famille, originaire du diocèse de Viviers. Il avait été capitaine au régiment de Pondichéry et avait épousé Mlle d’Arplendes-Mirabel, alliée à Olivier de Serres. C’est elle qui publia, en 1803, les Poésies de Clotilde de Surville. Elle survécut pendant quarante-cinq ans à son mari.