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de religion. Dans ces souvenir, dans la rudesse des habitans, dans la configuration du sol, l’insurrection trouve des alimens redoutables, comme l’esprit républicain n’a cessé d’y trouver une résistance latente, mais énergique, encouragée par la présence d’une poignée de gentilshommes s qui ont promis au Roi de former dans le Midi une nouvelle Vendée. Vainement les directoires départementaux prennent des arrêtés annonçant des châtimens impitoyables ; vainement les chefs de corps sont autorisés à procéder à des visites domiciliaires ; vainement ils donnent la chasse aux déserteurs, aux prêtres insermentés et obligent les communes riveraines du Rhône à former le long du fleuve un cordon de gardes nationales pour arrêter les brigands : rien n’y fait, l’esprit de révolte est plus fort que les mesures de répression.

Celles-ci n’empêchent ni les scènes de chauffe, suivies de meurtre, ni les violences exercées contre les membres du clergé constitutionnel pour leur arracher une rétractation, ni le vol, ni le pillage à main armée, ni la propagande des placards séditieux. Elles n’empêchent pas la poudre de circuler librement. Elle arrive de Suisse et d’Italie sous toutes les formes : dans des sacs d’amidon, dans des balles de café, dans des tonneaux de fromage, dans des caisses de sucre. Décidément, l’esprit public est gangrené, comme le dit un rapport du temps.

Ce qu’il y a de plus inquiétant, c’est que les troupes manquent pour arrêter ces désordres. Des villes comme Avignon sont dépourvues de garnison. Le peu de soldats qu’on parvient à laisser sur les points les plus menacés suint l’influence de l’entourage, marche mollement, sans entrain. Les gendarmes ne sont ni plus zélés, ni plus résolus. Il en est qui refusent d’escorter les courriers, afin de n’avoir pas à faire le coup de feu contre des parens ou des amis qu’ils savent enrôlés dans l’insurrection. S’ils frappent sur un point, le désordre se reproduit sur un autre. Restent les gardes nationales. Mais on en a besoin dans les communes privées de troupes. Les municipalités invitent les généraux à ne pas les employer au dehors. Les insurgés peuvent donc agir à leur guise.

Les chefs ne manquent pas. Pour la plupart, ils ont fait leurs preuves et participé aux insurrections précédentes. C’est le marquis de Bésignan, dont le nom a conquis quelque célébrité depuis qu’il a soutenu dans son château de la Drôme, en 1792, un siège, un règle que dirigeait le général d’Albignac, commandant en chef