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couvrent de leur protection, ils établissent sur lui leur domination, ils préparent son incorporation. Cette position mixte a été prévue par les fondateurs de la grande république américaine : l’institution des « territoires » a donné à leur conception première l’élasticité qui lui manquait, et que les circonstances rendaient nécessaire ; elle s’est précisée dans une loi fondamentale de 1804.

Il y a deux espèces de « territoires : » les uns sont dits « non organisés, » les autres « organisés. » Des premiers, il n’y a guère à parler : ce sont les régions sans colons, où sont refoulés les Indiens, jusqu’à ce qu’ils consentent à disparaître ; elles sont administrées, pour le compte de la collectivité, par des fonctionnaires fédéraux, et, quand il leur faut des lois, le Congrès fédéral leur en fournit.

Les seconds, au contraire, méritent toute notre attention, car c’est d’eux que sont sortis ou sortiront tous les États situés entre la rive droite du Mississipi et les côtes de l’Océan Pacifique. Voici comment les choses se passent en général : ou bien le nouveau territoire ; provient d’une cession consentie par un État étranger, ou bien, se trouvant vacant et sans maître au point de vue international, il a été ouvert, à date et heure fixes, à la colonisation, et l’on a vu s’y précipiter quelques milliers d’individus en quête qui d’une mine, qui d’une propriété agricole, qui d’un emplacement, favorable pour édifier une auberge. L’autorité fédérale évoque presque aussitôt ces territoires à la vie politique, mais à une vie qui restera restreinte tant que la population n’y sera pas assez nombreuse pour équivaloir à un des districts électoraux moyens servant à élire les députés au Congrès, ou tant que les circonstances locales spéciales n’inspireront pas toute confiance aux États-Unis, connue, par exemple, l’énorme proportion de sang latin dans la région frontière du Nouveau-Mexique, ou naguère l’obstination des habitans de l’Utah à vouloir pratiquer la polygamie mormonne.

Jusqu’à l’émancipation définitive ou, plus exactement, jusqu’à l’érection du territoire au rang d’État, la vie locale y est ainsi réglée, en vertu d’une charte qui lui est spécialement attribuée par le Congrès, mais qui s’inspire des principes posés par le texte de 1804 : le Président des États-Unis y nomme un gouverneur et quelques hauts fonctionnaires civils ou judiciaires ; le gouverneur possède un droit de veto sur les actes de la