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avaient vainement sollicité de la civilisation espagnole. Dernière considération, enfin : les « preuves de vitalité » que la proclamation de 1897 réclamait vis-à-vis de l’Espagne, los Philippins n’ont point cessé de les fournir, depuis plus de deux ans, à l’encontre des États-Unis.


II

Ce qu’il y a de piquant dans la position qu’occupent les Américains dans le conflit actuel, c’est que leur naissance comme État indépendant, à la fin du XVIIIe siècle, s’est produite au milieu de circonstances analogues, sinon identiques, à celles où se sont trouvés les Philippins : chacun sait en effet que leur rébellion contre le joug anglais provint des procédés arbitraires de la métropole à l’égard de ses colonies et de la méconnaissance de ce principe essentiel de droit public, très justement rappelé par les républicains du Pacifique dans l’article 18 de leur constitution de 1899 : « Nul n’est tenu de payer les impôts qui n’ont pas été votés par l’assemblée populaire. » Pas plus que les Philippins d’aujourd’hui, les Américains d’alors n’admettaient que des contribuables fussent taxés sans leur assentiment ; tout comme les Philippins, ils ne voulaient pas être gouvernés par une bureaucratie omnipotente, agissant au nom et pour le compte d’une métropole sur laquelle ils n’avaient point d’action directe.

Ils n’étaient pas plus de quatre millions lorsqu’ils se révoltèrent, proclamèrent leur indépendance, et décrétèrent la Confédération des Colonies unies de l’Amérique du Nord, d’où sortit, après plusieurs années d’hostilités, la célèbre constitution du 4 mars 1789, qui est demeurée jusqu’à nos jours le type le plus complet d’une fédération d’États. Chacune des anciennes colonies britanniques de l’Amérique du Nord constituait, avant l’indépendance, une entité distincte de ses voisines, directement rattachée au gouvernement central. Quand les circonstances poussèrent ces colonies à s’allier pour s’affranchir de ce dernier, elles ne montrèrent aucune disposition à aliéner leur propre personnalité : elles créèrent, il est vrai, un pouvoir central, mais ne conférèrent à ce pouvoir que des attributions limitées, celles-là seulement qui étaient nécessaires à la défense et à la vie économique communes, la plénitude de la souveraineté continuant à résider,