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de Lyon à Toulon avaient exercé le pouvoir en bourreaux.

Dans la plupart des villes du Midi, les massacres se succèdent tantôt en masse, tantôt isolés et le plus souvent avec des raffinemens barbares. Tous les partisans de la réaction ne sont pas animés au même degré d’intentions homicides. Beaucoup d’entre eux s’en tiennent aux menaces. Mais, lorsque, sans pitié, les plus violens exécutent ces menaces, les plus modérés, encore qu’ils n’osent applaudir, couvrent d’une approbation silencieuse les crimes par lesquels la réaction thermidorienne répond aux crimes de la Terreur. Ainsi, aux lieu et place du régime abominable qui s’est effondré, s’en élève un autre dont la justice n’est ni moins sommaire, ni moins expéditive que la sienne. Des villes où elle a frappé ses premiers coups, cette terreur nouvelle, à la faveur du désarroi des pouvoirs publics qui vainement tentent de la détruire, se répand dans les communes rurales, y porte le fer et le feu, confondant bientôt innocens et coupables, jetant dans les pays dont elle s’est emparée de tels fermens d’indiscipline, de révolte et de résistance qu’au bout de dix-huit mois, vers la fin de 1795, lorsque le Directoire succède à la Convention, ces pays ne sont qu’un champ de guerres civiles aux multiples théâtres.

De la frontière suisse à Marseille, les campagnes se sont couvertes d’insurgés, de malfaiteurs et de pillards. La paix avec l’Espagne, récemment conclue, a fait refluer vers les régions riveraines du Rhône un grand nombre de gens sans aveu. Déjà, sous la Terreur, ils pillaient au nom de la loi ; depuis, ils se sont faufilés à la suite des armées. Ils viennent grossir les rangs des mécontens. Ils s’enrôlent sous les ordres de quelqu’un des terribles chefs que la réaction s’est donnés. Ce ; n’est plus, comme au temps des insurrections de Saillans et de Charrier, des troupes de rebelles à peu près organisées, obéissant aux ordres de personnages qui s’affublent, autorisés ou non, du titre de lieutenans du Roi, mais des bandes, de vingt, trente, cinquante hommes, qui, quoique toujours prêtes à se réunir pour frapper un grand coup, opèrent isolément, sans frein ni discipline. A côté de royalistes sincères, paysans, prêtres insermentés, émigrés rentrés, fanatisés par l’ardeur de leurs convictions ou par celle de leurs ressentimens, on trouve dans ces bandes la lie de la population des villes, et surtout des déserteurs.

Depuis les premières guerres soutenues par la Convention,