pour tromper Condé, pour l’entretenir dans ses illusions, ils ont menti à qui mieux mieux ?
Tandis que se nouaient sur son nom ces abominables intrigues, quel a été le rôle de Pichegru ? Les a-t-il favorisées et encouragées ? Dans quelle mesure a-t-il justifié les dires des émissaires de Comté ? Nous croyons avoir prouvé qu’à ne considérer que sa conduite militaire, dégagée des appréciations erronées, des insinuations calomnieuses, des préoccupations politiques qui l’ont obscurcie, rien ne l’accuse encore à la date où nous sommes. Les documens officiels, sa correspondance, celle même de ses rivaux démontrent son innocence. Plus nous avancerons vers la fin de cette étude et plus deviendra éclatante la preuve qu’en tant que commandant d’armée, il a rempli tout son devoir ; que, placé dans des circonstances critiques devant un ennemi plus nombreux, mieux armé et pour tout dire ne manquant de rien, il a fait, quoique manquant de tout, ce qu’exigeait l’honneur.
Si, plus sévère en ce qui le concerne qu’on ne l’a été pour Jourdan, qui ne fut pas moins malheureux que lui dans cette campagne de 1795, on lui impute à crime ses revers ; si l’on prétend qu’ils ont été volontaires ; qu’ils constituent la preuve de sa trahison, nous rappellerons ce jugement du plus autorisé de ses accusateurs, le maréchal Gouvion-Saint-Cyr, disant, sans remarquer d’ailleurs qu’il s’inflige à lui-même un démenti, « qu’il a été le témoin de ses embarras et de ses sollicitudes, qu’il a pu apprécier plusieurs de ses démarches et juger qu’elles étaient dictées par le désir d’éviter des revers. » Nous objecterons en outre que les ambitions qu’on présente comme ayant été le mobile de sa trahison n’étaient réalisables qu’à la condition qu’il fût victorieux. Pour conserver son prestige, sa popularité, son ascendant sur la France qu’il voulait, assure-t-on, rendre au Roi, et sur l’armée sans laquelle il ne pouvait rien, il était tenu de vaincre, d’éloigner l’étranger de la frontière et d’être enfin le libérateur de son pays. Alors peut-être, mais à ce prix seulement, eût-il pu devenir le Monk des Bourbons. Et, comme il est prouvé qu’il a fait effort pour vaincre, la logique voudrait que ses accusateurs cherchassent la preuve de son forfait, non dans ses revers, qui ne lui en permettaient plus l’accomplissement, mais dans cet effort