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tout à fait, comme nous aurons l’occasion de le voir, de le chercher dans les articles de l’Encyclopédie, l’un corrigeant l’autre et un certain milieu étant pris entre les opinions exprimées en ces lourdes feuilles. La lecture de l’Encyclopédie est donc chose extrêmement utile pour mettre au point, si l’on peut ainsi dire, le XVIIIe siècle, et pour en saisir l’esprit général, l’esprit commun, l’esprit courant.

Pour apprécier toute l’importance, à ce point de vue, de l’œuvre de Diderot et D’Alembert, voyez comme il nous manque d’avoir quelque chose d’analogue pour le XVIIe siècle et même pour le siècle dernier. Pour le XVIIe siècle, Sainte-Beuve, toujours avisé, a pris Port-Royal comme une sorte de point central d’où l’on pouvait jeter des regards sur toutes les avenues du siècle, et en effet la pensée de Port-Royal a pénétré assez fort le siècle tout entier, pour que ce lieu d’observation fût bien choisi. Mais encore, qui ne voit que Port-Royal est à la fois trop haut et à certains égards trop à l’écart pour que l’on y puisse relever la carte avec une suffisante précision de tous les côtés et pour qu’on n’y soit pas comme forcé de donner à ce qui s’y rapporte immédiatement trop d’importance relative et de mépriser peut-être plus qu’il ne faut ce qui s’en éloigne ? C’est un centre décidément un peu excentrique.

Et de même, pour le siècle dernier, où se placer pour prendre hauteur ? Les collections des revues importantes seraient un très bon champ d’observation, le meilleur peut-être ; mais les unes furent trop exclusivement littéraires, les autres trop exclusivement scientifiques, et tout cela est trop dispersé. Les programmes d’enseignement secondaire ne seraient pas, non plus, un mauvais instrument ; mais ils donnent plutôt la pensée de ceux qui les ont dressés que la pensée de ceux qui les ont appliqués et de ceux qui les ont subis. Il y aurait occasion d’erreur.

On voit que le XVIIIe siècle est le seul qui, par le hasard heureux d’une combinaison de librairie, a laissé son testament, complet, détaillé, facile, sinon agréable, à consulter, et authentique. Lisons-le donc dans le compte rendu intelligent et impartial que nous en donne M. Ducros. Je dis intelligent et impartial, je ne dis pas tout à fait complet. M. Ducros a un peu négligé de « situer » l’Encyclopédie dans son cadre et dans ses entours. Sans doute il nous parle des ennemis de l’Encyclopédie,