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l’Eglise elle-même ou, du moins, par les fidèles. La cathédrale n’est que la châsse énorme et la couverture chrétienne du Saint des Saints de la vieille Gaule.

La crypte renferme, dans sa partie la plus mystérieuse, près de la chapelle de la Vierge Noire, une eau sacrée, le puits des Saints Forts. Et ceci paraît encore plus ancien que la Vierge Noire, — qui sait ? peut-être le point de départ et l’origine de tout. — Au pied de quelque buisson, au fond des forêts obscures, dans les temps très anciens, cette eau coulait. Le Dieu y fut adoré ; les rassemblemens se firent autour d’elle ; les sacrifices mystérieux s’y perpétuèrent. La guerre de l’Indépendance fut décidée là. Aujourd’hui, la cathédrale s’est élevée, et les troncs de sa nef remplacent les chênes de la forêt. Le mystère règne ; toujours sous ces voûtes, et la crypte garde, avec la Vierge Noire et l’eau sainte, vainement proscrite par les conciles, le secret de cette race vivace qu’on croit légère et superficielle et qui a des racines et des profondeurs mystérieuses que l’on ne connaît pas.


Aussi de quel cœur les braves populations de l’Ile-de-France ne s’y sont-elles pas consacrées ? La construction de l’église n’est rien qu’une longue lutte contre les incendies. Depuis le petit temple initial, construit sur la grotte des Druides jusqu’à la Notre-Dame actuelle, frappée et à demi détruite dans ce siècle même, en passant par la vieille basilique naïve de saint Fulbert dont les peintures de la crypte ont conservé l’image, nous connaissons l’histoire de celle série de catastrophes qui se promène à travers les siècles. Les édifices se succèdent, toujours détruits, toujours reconstruits, grimpant les uns au-dessus des autres, et laissant leurs traces dans le monument actuel, depuis le vieux fût, de colonne du IVe siècle, encastré dans les fondations et qui soutient, encore tout l’édifice, jusqu’au vase-de bronze planté au haut du clocher neuf et où fleurit la girouette. C’est un vœu perpétuel, une aspiration au durable, parmi l’éphémère des choses, et au noble, parmi leur vulgarité.


Quelle joie ce fut pour ces gens, qui ne songeaient qu’à la survie, non à la vie, quelle joie, quand, à la place des plafonds de bois, toujours en péril du feu, ils ont trouvé la Voûte, la voûte immortelle, — qui dure maintenant depuis sept cents ans !