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du moyen âge et française. L’Asie, l’Europe celtique, l’Europe romaine et chrétienne, voilà ce que ces humbles ouvriers ont réuni dans un seul sanctuaire, voilà les diverses traditions qu’ils ont reçues d’un peuple qui les sentait obscurément au fond de lui-même, voilà ce qu’ils avaient à raconter aux populations de l’Ile-de-France et aux pèlerins venus du monde, entier pour voir et adorer.


Pour traduire ces idées intimes, ces instincts séculaires et ces aspirations obscures, pour répondre à l’attente et à l’émotion du fidèle, il fallait le plonger dans une atmosphère particulière, dans une lumière atténuée et tamisée, dans une sorte de grâce.

On entre ; les rayons du soleil, les traits de l’Apollon antique, si clairs et si droits, se précipitent sous la voûte. Mais, bientôt, l’ombre les saisit, les dévore ; ils sont, déjà, comme fondus dans l’obscurité ambiante, lorsque leur éclat atténué rencontre celui qui tombe des vitraux, si doux et si somptueux à la fois, et alors s’établit une pleine harmonie grise, qui se l’ait, de toutes les couleurs que la lumière du dehors et le prisme des vitraux lui ont livrées. Elle remplit, de ses ondes ternes, les hautes voûtes de la nef, tandis que le regard est appelé vers le transept et le chœur par les grands rayons lumineux, qui, en traits obliques, frappent l’autel et signalent la transfiguration. C’est comme une sorte de bain pénétrant et doux dans lequel on est plongé par l’art des constructeurs, — la lumière et le silence captés et sensibles, dans le calme et la majesté des lieux clos.

La nef est tout entière tenue volontairement dans cette demi-obscurité, cette simplicité, celle gravité : le dallage est rude, les tombes sont exclues et tout ce qui profane. Le rythme monotone et les effets répétés des colonnes, des chapelles, des chapiteaux font comme une musique calme et lente. Mais, tout à coup, un luxe inouï éclate : et c’est au point où siège Dieu.

Le reste convenait à l’assemblée des hommes. Pour la divinité, c’est tout autre chose. Le pourtour du chœur, qui, autrefois, s’accompagnait, Au jubé, rassemble tout ce que la richesse et la souplesse de l’imagination ont pu inventer pour illustrer et ennoblir le sanctuaire. Le poème de la religion y est sculpté tout entier avec une abondance, une richesse, une réalité, une sincérité qui font à l’autel la plus magnifique couronne de travail humain et d’adoration. Quatre siècles de persévérance y ont suffi à peine et les vieux imagiers du moyen âge, qui ont commencé