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c’est tout. Que fait là cette colonne ? De l’autre côté du cirque, elle est, en quelque sorte, la contre-partie, de la Cérès de Châtellenot. Les deux mystères se complètent : la Majesté de Rome est assise entre les deux.

On dit que la colonne aurait été érigée, ici, par les Romains, en commémoration d’une victoire remportée sur les Helvètes. Je me suis reporté au texte de César : il raconte que la grande émigration des Helvètes, à laquelle il avait résolu de s’opposer, avait franchi la Saône en venant du mont Jura, qu’elle avait remonté le cours du fleuve sur la rive gauche ; qu’ensuite, du consentement des Eduens, elle avait pénétré dans leur territoire, en se dirigeant vers l’ouest. César la surveillait ; mais, manquant de vivres, il se décida à quitter la poursuite de l’ennemi et à rejoindre la capitale des Eduens, Bibracte. Les Helvètes, croyant qu’il fuyait, l’attaquèrent inopinément, et la grande bataille s’engagea. César dit, en propres termes, qu’il était à dix-huit mille pas de Bibracte ; or, c’est, à peu près, la distance qui sépare Cussy d’Autun. La tradition se vérifierait donc et ce serait sur ce point qu’aurait eu lieu la bataille mémorable, premier acte de la guerre qui devait livrer la Gaule à César et à la domination romaine. Le cirque et le circuit s’achèvent. La grande guerre a commencé- ici, et elle s’est terminée là-bas, à Alésia. Voilà le vrai point central, le nœud historique et géographique du pays. Il suffit, d’ailleurs, d’achever l’excursion pour s’en convaincre.

En quittant Cussy, un dernier effort nous porte au gradin le plus élevé de l’immense ceinture dont nous venons de parcourir le diamètre. La région a pris, tout à coup, un aspect grave, austère, presque pénible. Le plateau qui sépare les deux versans, celui de l’Océan, à l’ouest de la Loire, et celui de la Méditerranée, à l’est, par le Rhône, n’est qu’un désert aride et nu ; ce sont les Grands Chaumes, où l’herbe pousse à peine. De vastes étendues sans un arbre, sans une maison, sans un champ cultivé ; à peine, au loin, la silhouette d’un berger veillant sur un mince troupeau. Lentement, sous le soleil implacable, et par la route rôtie et sèche, nous montons au sommet. Une auberge en ruine se nomme Bel-Air.

De là, tout à coup, un panorama magnifique s’ouvre devant nous, et c’est le spectacle de l’abondance, de la richesse, de la fécondité. La brusque rupture des falaises de Saint-Romain laisse la vue tomber à pic sur la vallée ; et c’est la vallée de la