Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/76

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je fus charmé de son accueil. « J’ai trouvé, écrivais-je, après l’avoir vu longuement, le cardinal Nina dans les mêmes principes sages et modérés que le cardinal Franchi, avec moins de séduction personnelle et d’habitude diplomatique que son prédécesseur, mais peut-être avec plus de fermeté dans les idées et quelques illusions de moins. La difficulté qu’éprouve Son Eminence à parler le français rend désirable pour elle, comme pour ses interlocuteurs, de s’exprimer en italien, et c’est dans cette langue que se sont établis nos rapports. Cependant, le cardinal Nina comprend tout ce qu’on lui dit en français et il serait en état de suivre toute conversation qui ne provoquerait pas un abandon ou une confidence particulière. C’est le cas pour le plus grand nombre des étrangers qui viennent au Vatican et il n’est pas probable que, par suite, on constate une lacune dans les visites qui pourraient être faites au nouveau secrétaire d’État. »

Ceci n’était qu’une première impression et je dois ajouter, d’ailleurs, que peu de mois après, cette petite difficulté de langage avait à peu près disparu. Il restait seulement un éminent prélat, dépositaire des confidences intimes du Saint-Père, et avec lequel j’ai eu l’honneur d’entretenir des rapports non seulement de parfaite courtoisie, mais de véritable intimité. C’est un des amis du Pape dont le souvenir m’est resté le plus sympathique, car il réunissait à une parfaite loyauté » une intelligence réelle des besoins de son temps, qui l’a rendu l’interprète fidèle des pensées de Léon XIII.

Dans l’audience dont je viens de parler et qui fut fort intéressante, par suite de tous les sujets qui y furent traités, Léon XIII me parla d’abord du cardinal Franchi : « Il est mort à la peine, me dit le Saint-Père, victime de son dévouement à l’Église et à ma personne. Je lui disais bien souvent qu’il devait prendre du repos, mais il était infatigable. Il recevait le jour et travaillait la nuit. Il en est mort. » Comme je parlais au Saint-Père de la séduction des entretiens du cardinal, à laquelle personne n’échappait : « Oui, m’a répondu le Saint-Père, il avait le don d’attirer à lui et de retenir tous ceux qu’il avait conquis. »

Le Pape m’a parlé ensuite fort longuement de la France. Sa Sainteté m’a demandé d’abord des nouvelles du Maréchal-président, et elle a exprimé la confiance qu’il remplirait jusqu’au bout le mandat qu’il avait accepté. Puis, le Pape m’a dit qu’il n’avait pu lire sans une douloureuse impression certaines attaques contre la