Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du Sacré-Collège, comme je l’ai indiqué plus haut, je leur posai à peu près à tous la même question. Fidèle à la règle de M. Rossi, je terminai par le cardinal secrétaire d’Etat et le doyen du Sacré-Collège, décidé, après cette enquête préalable, à en faire connaître le résultat à mon gouvernement et à lui demander, s’il était favorable, l’autorisation d’en parler formellement au Saint-Père. Je dois déclarer qu’au début, je trouvai encore contre Mgr Dupanloup, chez quelques cardinaux, des préventions dans le sens de celles que j’ai rapportées ; mais, peu à peu, il me sembla que l’opinion s’était très heureusement modifiée devant la récapitulation que je leur faisais des services considérables rendus par lui à la cause de l’Eglise de France, et que je pouvais, en conscience, me croire autorisé par ces témoignages à la faire connaître à mon gouvernement.

Je n’y manquai pas ; et, dès mon arrivée à Paris, pendant les vacances, j’abordai la question avec les ministres auxquels j’en avais parlé précédemment. MM. Dufaure et Bardoux m’écoutèrent cette fois avec intérêt ; M. Waddinglon, presque avec plaisir. Il me sembla, sans que je puisse l’affirmer, que le discours que venait de prononcer Gambetta à Romans, et où se trouvait la fameuse phrase sur le cléricalisme, avait modifié les idées du cabinet et lui avait fait voir de quel côté il aurait désormais à lutter. Aussi, lorsque je parlai aux ministres des résultats de mon enquête à Rome et que je les priai de m’accorder l’autorisation de demander au Saint-Père le chapeau de cardinal pour l’évêque d’Orléans, j’emportai du ministre des Affaires étrangères un assentiment marqué, qui se serait, par suite du précédent de M. Jules Simon, transformé, je n’en doute pas, en une démarche officielle auprès du Saint-Siège.

Malheureusement, les événemens déroutèrent toutes mes prévisions. Le soir de mon arrivée à Turin, où le débordement de la Bormida, un des affluens du Pô, coupant le chemin de fer, m’avait obligé de m’arrêter, en entrant dans le cabinet de lecture de l’hôtel où ma famille et moi étions descendus, j’y lus avec une bien douloureuse surprise la nouvelle de la mort de l’évêque d’Orléans, survenue le 11 octobre à Lacombe, dans le Dauphiné.

Mon émotion fut réelle, et je trouvai, quelques jours après, la même impression chez le cardinal Nina, successeur du cardinal Francbi. Je reviendrai sur la personnalité du nouveau secrétaire