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emploi à l’état comprimé, leur mélange intime, sont des facteurs évidens de la chaleur d’une flamme, et, conséquemment, de son éclat. Ce sont ces conditions que les inventeurs essaient de réaliser dans cette foule de brûleurs de toute espèce, brûleur Brandsept, brûleur Denayrouse, brûleurs Lecomte et Saint-Paul, qui aspirent à détrôner le bec Auer.

Il est superflu d’ajouter que le gaz de houille n’est nullement nécessaire pour l’éclairage par incandescence. Puisque le premier soin que l’on prend est de le dépouiller de son pouvoir éclairant au moyen des brûleurs intensifs. Bunsen ou autres, il est clair que le résultat final sera obtenu aussi bien avec tout autre gaz ou vapeur combustible, avec le gaz à l’eau, avec le gaz d’huile, avec l’alcool et le pétrole. Et, de fait, chaque jour voit naître quelque application de l’un ou l’autre de ces agens à l’éclairage par incandescence.

Les matériaux les plus parfaits pour l’incandescence, à la fois réfractaires et doués de propriétés catalytiques, proviennent de terres justement dénommées rares. C’étaient, il y a quelques années, presque des curiosités de laboratoire. La thorite, d’où s’extraient le thorium et l’uranium, n’avait été rencontrée qu’en Norvège, à Brevik et à Langesund ; elle coûtait au-delà de 3 000 francs le kilogramme. La monazite, qui fournit le cérium, et d’autres métaux rares, tels que le didyme et le lanthane, n’était guère plus abondante. On se demandait, avec inquiétude, ce que deviendrait l’industrie de l’éclairage par l’incandescence lorsque ces maigres provisions de minerais seraient épuisées.

La nécessité obligea de rechercher de nouveaux gisemens. Les prospecteurs des sociétés Auer se répandirent partout et découvrirent dans les terrains aurifères de l’Oural, du Brésil, de l’Australie et de l’Amérique du Nord des masses considérables de sables lourds, jadis dédaignés par les chercheurs d’or, et, en réalité, très riches en monazite et par conséquent en métaux rares. Déjà l’exposition colombienne de Chicago avait montré, à l’étonnement des chimistes, des centaines de kilogrammes de ces oxydes de lanthane, de cérium, de thorium, et des diverses variétés de didyme, considérés jusque-là comme des pièces de collections. Ce n’est pas le moindre service que le nouvel éclairage ait rendu à la science, d’avoir développé ainsi une branche des études chimiques et d’avoir permis l’essor des recherches auxquelles ont donné lieu les propriétés physiques, extrêmement curieuses, de quelques-uns des métaux rares.


A. DASTRE.