Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

un véritable regret que nous eûmes des relations moins suivies avec des personnes que nous avions connues avant l’invasion de Rome par l’urinée italienne. Cette belle société romaine s’était divisée après cette époque et ce fut un vrai dommage pour elle-même ; car, pendant les trente années de ma carrière diplomatique, je n’en ai connu aucune qui, réunie, fut plus sympathique. La simplicité jointe à la grandeur en faisait le charme. Ces palais, avec leurs splendides galeries, qui n’avaient pas été vendues ou dispersées, ouvertes le matin à l’admiration du monde entier, vous présentaient le soir un assemblage de personnes qui se réunissaient à des jours périodiques et où l’on voyait briller sur les plus nobles poitrines les splendides écrins, héritages patrimoniaux des grandes familles. C’était comme un défilé de souvenirs historiques, rajeunis par la grâce de la jeunesse et de la beauté. On n’a jamais groupé, d’une façon plus charmante, un passé glorieux par sa fidélité avec un présent plus aimable ; et les étrangers, presque tous de marque, qui venaient passer l’hiver dans la Ville éternelle, se sentaient bien chez eux, quand ils n’y étaient pourtant que de passage. C’était encore exactement, sauf quelques royaux exilés de moins, la Rome dont Chateaubriand nous parle dans ses Mémoires, et l’on me pardonnera d’en avoir conservé un doux et mélancolique souvenir.

Cette société, par suite de la difficulté des temps, n’était donc plus la même que celle que nous avions connue, lorsque je revins à Rome comme ambassadeur. Nous n’en fûmes que plus heureux de retrouver les personnes demeurées fidèles au Saint-Siège. C’étaient des relations plus sérieuses peut-être qu’autrefois, mais qui se ressentaient aussi de l’estime que les étrangers eux-mêmes devaient avoir pour des convictions noblement soutenues. À ma réception solennelle d’arrivée à l’ambassade, quatre cents personnes environ furent présentes, y compris une grande partie des membres du Sacré-Collège et de la prélature. Le palais Colonna, où l’ambassade était alors établie, se prêtait à merveille à ces cérémonies, qui font honneur également au pays dont le représentant les donne, et aux étrangers qui veulent bien y venir.

Je n’eus qu’à me louer également de mes rapports avec mon collègue auprès du roi d’Italie. Le marquis de Noailles, aujourd’hui notre ambassadeur à Berlin, que je connaissais depuis longtemps, entretint toujours avec nous les meilleures relations