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et en les amenant, ainsi, à me trouver à l’ambassade aux mêmes heures, j’étais certain de pouvoir être parfaitement renseigné sur leurs dispositions intimes. Un jour donné, il était possible d’arriver, de la sorte, à obtenir quelques facilités, à modifier même quelques points importuns, puisque toutes les affaires que le Saint-Père ne se réserve pas, lui-même, sont soumises aux congrégations cardinalices, dont les conclusions sont le plus souvent adoptées par le Pape. Le comte Rossi, durant sa mission à Rome, sous le ministère Guizot, s’était beaucoup loué de ce mode de procéder, qui consiste, comme il le disait lui-même, — car il ne négligeait même aucun camérier important, — à partir d’en bas pour arriver en haut.

Je suivis ce conseil et m’en trouvai très bien. Pendant tout le temps que j’ai été à Rome, on verra par la suite de ce récit que j’ai obtenu tout ce que mon gouvernement m’avait chargé de demander. On voulut bien même quelquefois rechercher confidentiellement l’avis de l’ambassadeur, que l’on connaissait personnellement. Je ne saurais trop recommander cette manière de procéder à tous ceux qui auront affaire avec le Saint-Siège. Nulle part on ne peut faire de meilleure diplomatie, si l’on veut s’en donner la peine.

Il est bien entendu, une fois pour toutes, que ces souvenirs ne s’adressent pas à ceux qui, depuis trente ans, demandent la suppression de notre ambassade, quand ils sont dans l’opposition, quitte à voter pour son maintien, quand ils arrivent au pouvoir. Ce jour-là, ils tombent en raison, comme disait un ministre anglais ; car le pouvoir est un chemin de Damas où se révèlent bien des clartés. Je n’écris que pour ceux qui considèrent la force morale d’une nation comme aussi nécessaire à sa grandeur que sa force matérielle ; qui ne croient pas qu’elle puisse vivre sans religion, plus qu’elle ne peut subsister sans nourriture ; et qui comprennent que, lorsque l’enfant vient au monde, il n’est que logique de lui procurer celle de son âme, en même temps qu’on lui donne celle de son corps. Aux autres, je n’aurais rien à dire, car nous ne pourrions nous entendre.

Je ne donnerais pas mon impression complète sur la situation que je trouvai à mon arrivée à Rome, si je ne disais un mot des rapports que nous avions à y entretenir avec la société romaine demeurée fidèle au Saint-Siège. C’était avec elle seule que ces rapports pouvaient s’établir, et ce ne fut pas sans