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mais il n’en revendique pour lui que l’ordonnance, que l’architecture, et, soucieux de n’y employer que des matériaux de choix, il s’étonnerait volontiers qu’on lui fasse un reproche de les avoir empruntés à Pétrarque. Rien encore n’était plus conforme aux doctrines de la Défense et Illustration, ni déjà ne ressemblait davantage à la théorie classique de l’invention et ne la préparait de plus loin.

Les Vers Lyriques de Du Bellay sont en général très inférieurs aux sonnets de son Olive. Nous avons déjà cité l’Ode à Mme Marguerite, sœur d’Henri II : D’escrire en sa langue ; et l’Ode à son ami Bouju : De l’immortalité des poètes. Il y met sa Défense en vers, à moins que, comme nous l’avons dit, ce ne soient ses vers qu’il eût mis en prose dans sa Défense. La plupart de ses autres Odes, quand elles ne sont pas l’emphatique éloge de quelque grand personnage, roulent sur des lieux communs de morale, — tels que l’Inconstance des choses ou les Misères humaines, — dont la banalité ne se relève ou ne se particularise ni de l’éclat de l’expression ni de l’ampleur du souffle. La langue de la poésie, dans les Vers Lyriques de Du Bellay, s’exerce à l’expression des idées générales, et en ce sens on peut dire que ses Odes achèvent d’éclaircir ou de préciser les intentions de son manifeste. Mais il leur manque d’être lyriques. On dirait des essais d’écolier. Serpit humi tutus ! Il a l’haleine courte et le vol incertain. « L’engin de ses ailes, — pour parler son langage, — ne le guindé » qu’à peine de quelques pieds au-dessus du sol ; il hésite ; et de peur de s’exposer sans doute à quelque chute retentissante, il se résigne finalement à ramper. On est surpris à ce propos, qu’au lieu de s’acharner contre la prose de la Défense et Illustration, qui est parfois fort belle, ses adversaires, plus habiles ou plus malicieux, ne se soient pas contentés d’opposer ses Vers Lyriques à ses conseils, et la faiblesse de ses inspirations à la grandeur de ses ambitions.

Il sentit le contraste ; et c’est alors qu’il se rejeta sur cet exercice de la traduction, dont il avait lui-même tant médit dans sa Défense.


Ne sentant plus la première ardeur de cet enthousiasme qui me faisait librement courir par la carrière de mes inventions, — écrivait-il, en 1552, à son ami Jean de Morel, — je me suis converti à retracer les pas des anciens, exercice de plus ennuyeux labeur que d’allégresse d’esprit, comme celui qui pour me donner du tout en proie au soin de mes affaires, tâche peu à