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Lorsque les affiches peintes, inconnues à l’origine, firent leur apparition, la loi les frappa d’un droit de 0 fr. 60, jusqu’à 1 mètre carré, et de 1 fr. 20 pour celles qui excédaient 1 mètre. Comme il se badigeonne, sur de vastes pignons, des fresques de 50 mètres carrés, ce tarif, bientôt reconnu défectueux, fut corrigé et… considérablement augmenté : on institua une contribution de 2 fr. 50 par mètre et par an, qui supprima incontinent la publicité peinte. Quoique le taux fût dix fois plus fort, le Trésor encaissa beaucoup moins. Pour tempérer la rigueur de cette nouvelle charge, on admit qu’elle ne serait plus annuelle, mais seulement une fois payée.

Cette concession tardive n’empêcha pas les intéressés de trouver moyen d’éluder la loi : il ne se fit plus que des affiches-papier, sujettes au timbre de 24 centimes ; mais elles furent collées sur toile, laminées sur zinc, vernies, solidifiées de mille façons. On inventa un composé de carton et de caoutchouc, — le ruberroïde, — qui, légalement, était toujours du « papier » et non de la « peinture. » L’administration voulut plaider, obtint, suivant les tribunaux, des jugemens incohérens et contradictoires et renonça à la lutte.

De toutes les formes de publicité l’affiche est la plus ancienne. Parmi les recommandations faites jadis aux séminaristes de Saint-Sulpice, figurait celle de « ne pas regarder les placards du coin de la rue du Pot-de-fer ; » défense qui remontait à la fondation du vénérable M. Olier et montre que, dès le milieu du XVIIe siècle, la littérature murale n’était pas d’une grande sévérité de mœurs. Son importance devait toutefois être mince, puisque, au temps de la Révolution, la corporation des afficheurs se composait de 40 individus seulement. « Ils sont quarante, ainsi qu’à l’Académie française, dit Mercier, et, pour une plus grande similitude, aucun afficheur ne peut être reçu, s’il ne sait lire et écrire. »

Aujourd’hui, des légions d’ouvriers, embrigadés par les six ou sept entreprises d’affichage, étendent leur pinceau investigateur dans les 36 000 communes de France. Ils affichent à hauteur d’homme, — « pose simple ; » — à « la petite » et « à la grande échelle, » — jusqu’à 3 mètres dans le premier cas et, dans le second, jusqu’à 7 mètres de hauteur. — Ce qui coûte, pour un format moyen, de 10 à 20 francs le cent dans la capitale, et monte à 70 francs en province, pour les plus grandes tailles.

Tout emplacement inoccupé, qui n’est à personne, est à tout