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quoique, dans les minuscules « Courriers, » « Echos, » « Gazettes » et « Moniteurs » hebdomadaires des chefs-lieux d’arrondissement, ce chapitre souvent ne dépasse pas 1 800 francs, les deux mille feuilles locales éparses sur le territoire représentent une somme globale d’au moins 6 millions. Il y faut joindre les magazines à gravures dont le principal encaisse 500 000 francs ; les journaux de modes, catégorie notable, dont il se tire à Paris chaque semaine plus de deux millions d’exemplaires ; les Revues graves ou légères, de divers formats ; les multiples organes spéciaux, religieux ou sportifs, industriels ou militaires, médicaux ou agricoles. Enfin l’innombrable série des publications annuelles : les 150 almanachs populaires et ruraux où les continuateurs de Nostradamus, Mathieu de la Drôme ou Laensberg, éditent à 4 millions de volumes leurs prédictions atmosphériques ; le Didot-Bottin, l’Almanach-Hachette, etc., etc.

Autour de ces périodiques, dont les uns administrent eux-mêmes leur publicité, tandis que d’autres l’afferment à forfait à des régisseurs, gravitent des courtiers dont les profits, naguère élevés, se réduisent de jour en jour. Corporation assez louche et rafalée, au dire de ceux qui en tiennent la tête et font honneur à leurs affaires.

Besogne délicate pourtant, puisqu’elle consiste à vendre du vent, et le vent qui convient, et à ne pas le vendre trop cher. Il ne suffit pas de persuader au client que son argent, aventuré en réclame, lui reviendra avec force bénéfice ; si sa mise est perdue, il se juge trompé et l’on n’y peut plus revenir. A l’industriel, au gros commerçant de passage à Paris, dont il se flatte de tirer une large commande d’insertions, le courtier s’attache avec une gracieuse opiniâtreté ; il se constitue son ami intime, son guide parmi les attractions de la ville ; il saura au besoin, en généreux commensal, lui offrir de fins repas. Parmi le personnel de cette profession il se rencontre des femmes ; elles ont, pour « enlever les affaires, » des moyens que les hommes n’ont pas.

Tels courtiers, à grandes relations, se faisaient autrefois des traitemens de ministres ; mais ils disparaissent. Il fut un temps où leur remise allait jusqu’à 30 pour 100 du moulant des ordres qu’ils apportaient ; maintenant elle n’excède pas 5 pour 100 dans les feuilles très achalandées où la publicité afflue d’elle-même ; quant à celles d’un moindre tirage, elles sont rarement demandées. Les agences avaient un moment combiné des listes, où