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l’audience, qui avait duré à peu près trois quarts d’heure, se termina de la façon la plus satisfaisante.

« L’impression qui m’en est restée, écrivais-je en en sortant, est, si je puis exprimer mon opinion après une seule entrevue, conforme à celle que j’ai trouvée en Belgique au ministère des Affaires étrangères. Le nouveau pontife est à la fois un homme de science et de grande piété, en même temps qu’un homme de son temps. C’est un Pape accompli et digne de présider aux destinées de l’Église, dans la position difficile où les événemens l’ont aujourd’hui placée. »

Je restai six semaines sans revoir Léon XIII, et ce fut le 29 juin, le jour de la Saint-Pierre, que j’eus ma seconde audience. Le Saint-Père me parla d’abord de l’imposante manifestation qui avait eu lieu ce jour-là et qui avait amené, pendant toute la matinée et une partie de la soirée, presque toute la population romaine dans la basilique de Michel-Ange. Le fait est que le concours du peuple était si imposant que j’arrivai avec un peu de retard à l’audience pontificale, ma voiture ayant dû aller au pas presque tout le temps, par suite de la multitude des piétons. Il y avait là bien des fidèles recueillis, entrant dans l’immense basilique et en sortant, et, sans vouloir abuser, d’un mot à effet, il me sembla que le Pape n’avait jamais été plus visible à Rome que depuis qu’il ne se montrait plus au dehors.

L’audience fut longue et complète. Le Saint-Père me parla, entre autres sujets, de l’Allemagne. Un de mes successeurs à l’ambassade, le comte Lefebvre de Béhaine, alors chargé d’affaires à Munich, a traité ici même ce sujet dans trois articles d’un vif intérêt. Ils font connaître successivement les détails de cette grande pacification religieuse qui amena la fin du Culturkampf[1]. Je n’y reviendrai donc pas. Mais je dois dire que, tenu au courant des moindres incidens de cette longue lutte dont le Vatican sortit avec les honneurs de la paix, je n’ai vu aucune négociation diplomatique conduite avec plus d’habileté et de fermeté qu’elle ne le fut par Léon XIII et ses deux premiers secrétaires d’État, les cardinaux Franchi et Nina, pendant les deux années et demie qu’elle dura.

Le jour où le Saint-Père m’en parla pour la première fois, elle venait de commencer, à la suite d’un télégramme de

  1. Voyez la Revue des 1er mars, 1er juin, 1er juillet 1897.