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dans cette saison, le Pape est obligé de s’imposer chaque jour des fatigues assez grandes pour ses réceptions. »

Après que j’eus prononcé quelques paroles dans lesquelles j’exprimai au Saint-Père les témoignages de vénération dont le Président de la République m’avait, chargé pour son auguste personne, au nom de la France et du gouvernement tout entier, et lorsque j’y eus joint l’hommage de mon respect, Léon XIII répondit. Le Saint-Père m’entretint des sentimens profondément catholiques de la France, de la satisfaction qu’il avait éprouvée à la voir se relever de ses désastres, du bonheur qu’il ressentirait à voir cette grande nation sortir définitivement des épreuves qu’elle avait traversées. Puis, il voulut bien ajouter quelques paroles de bienveillance personnelle ; qui m’ont vivement touché.

Sa Sainteté congédia ensuite les personnes de son entourage et nous demeurâmes seuls. Le Saint-Père m’entretint longuement de la question de la nomination des évêques qui avait suscité récemment quelques difficultés entre le nonce à Paris, Mgr Meglia, et le ministre des Cultes. M. Bardoux avait, à cet égard, quelques idées dont il m’avait entretenu et que j’expliquai au Saint-Père. Il pouvait y avoir certaines difficultés à leur exécution, et le Pape me les fit comprendre, billes furent heureusement aplanies par le bon vouloir réciproque du Saint-Siège et du ministre des Cultes.

Cette question du mode de nomination des évêques est toujours, d’ailleurs, une des plus délicates, dans la pratique, en raison des droits parallèles de l’Église et de l’État, et elle ne peut être résolue que par une mutuelle entente. J’eus l’occasion plus tard de la traiter à fond avec le Saint-Père lui-même, et, en raison de l’importance des déclarations qu’il me fit alors, je montrai le compte rendu de mon audience au cardinal-secrétaire d’État, qui le plaça sous les yeux de Sa Sainteté et m’annonça son approbation. Je l’envoyai à Paris et j’y reviendrai dans le courant de ces souvenirs ; mais je préfère, en ce moment, me borner à cette première indication.

Le Pape m’entretint ensuite de quelques incidens récens dont un, le centenaire de Voltaire, lui avait été particulièrement pénible et où notre Conseil municipal de Paris avait cru devoir se signaler. Je répondis le moins mal que je pus au Saint-Père sur tous ces points qui n’offrent plus d’intérêt aujourd’hui, et