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conclave à l’élection du nouveau Pape, et, de concert avec les cardinaux Nina, Bartolini, Ferrieri, il avait contribué puissamment à sa désignation par le Sacré-Collège. « Le cardinal Franchi, écrivais-je quelques jour après, est bien vu à Rome de tous les esprits modérés et impartiaux. On pourrait presque dire qu’il est populaire, si la popularité n’était pas un mot dont il ne faut pas abuser, en raison des réactions nécessaires qu’amènent les espérances exagérées. Je ne crois donc pas que Son Eminence la désire ; mais il est incontestable que sa nomination répond au sentiment général de tous ceux qui espèrent, qu’une ère de pacification succédera tôt ou tard à celle des luttes ardentes. Le nouveau secrétaire d’Etat semble donc être l’homme de son temps et nos rapports se sont mutuellement établis sur le pied d’une entière confiance. »

Peu de jours après, j’eus l’honneur de remettre au Saint-Père mes lettres de créance en audience solennelle. Depuis les événemens du 20 septembre et l’entrée des Italiens à Rome, Pie IX avait laissé tomber cet usage en désuétude. Léon XIII tint à le remettre en honneur. Je fus donc reçu au Vatican avec l’ancien cérémonial et en cortège de gala. La garde suisse et la garde noble étaient sous les armes, et je fus introduit avec les membres de l’ambassade auprès de Sa Sainteté par les personnes de sa cour. Puis, après ma réception, nous fûmes conduits dans la basilique de Saint-Pierre avec les mêmes honneurs, pour y faire ; la visite accoutumée au tombeau des apôtres.

Léon XIII était sur son trône, entouré par ses camériers et ses prélats. « Sa physionomie, écrivais-je, est douce et singulièrement majestueuse. Un grand air de bonté et de piété règne sur sa personne. Il est à la fois simple et imposant. Sa santé ne paraît pas robuste, et l’on craint généralement qu’habitué depuis vingt-cinq ans à l’air plus vif et au climat plus tempéré de Pérouse, il n’ait de la peine à supporter les chaleurs malsaines de Rome pendant la saison d’été. A la différence de son prédécesseur, que j’ai eu l’honneur d’approcher à diverses époques de son pontificat et récemment encore, en quittant le poste d’Athènes pour me rendre à Bruxelles, le nouveau Pape est d’une constitution plutôt frêle et délicate. Cependant, jusqu’ici, rien n’autorise les bruits que la malveillance a fait courir sur sa santé ; mais l’empressement du monde catholique est tel que, même