Page:Revue des Deux Mondes - 1901 - tome 1.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Waddington, en réponse à sa lettre particulière, un aperçu de mes idées qui lui fit comprendre que, catholique convaincu, je ne pourrais jamais dépasser certaines limites dans l’exécution de ses instructions. La lettre est encore sous mes yeux, alors que j’écris ces lignes.

Peu de jours après l’avoir expédiée, et ma nomination étant officielle, je pris congé du roi Léopold et partis pour Paris. J’y demeurai une douzaine de jours, avant de me rendre à Rome, et je m’entretins successivement avec la plupart des membres du cabinet. MM. Dufaure, Bardoux, ministre des Cultes et Waddington, que je vis plusieurs fois, me laissèrent une grande liberté d’action. Ils s’intéressaient beaucoup aux débuts du nouveau pontificat, mais ils tenaient surtout à ce qu’on ne leur créât pas d’embarras. C’était leur droit assurément ; mais le mien était de leur faire connaître la réciprocité que le Saint-Siège était en droit, de son côté, d’attendre du gouvernement de la République et j’indiquai nettement la question du Concordat et celle des congrégations religieuses, comme il eux points sur lesquels il me serait impossible de demander aucune suppression ou modification. On me répondit que je n’avais rien à craindre à cet égard et que je pouvais partir, en toute tranquillité, pour mon nouveau poste. Je dis aux ministres que je croyais pouvoir, dans ces conditions, leur garantir mon concours entier et espérer celui du Saint-Siège, dont les dispositions favorables à la France ne me paraissaient pas douteuses.

Le maréchal de Mac-Mahon me tint un langage aussi satisfaisant que pouvait le lui permettre l’appel inutile qu’il avait fait le 16 mai au pays. Il me dit qu’il avait été charmé de signer ma nomination comme ambassadeur auprès du Saint-Siège ; et plus tard, lorsqu’il se décida à quitter le pouvoir, il voulut bien m’écrire une lettre de sa main pour m’engager à demeurer à mon poste. J’ai tenu à terminer cette question personnelle, avant de parler des incidens auxquels je fus mêlé pendant le cours de ma mission.

J’arrivai à Rome le 11 mai 1878. J’éprouvai, comme toujours, en y revenant, le sentiment dont aucune autre ville ne laisse au même degré l’impression, celui d’une émotion et d’un respect à peu près égaux. En revoyant cette terre privilégiée entre toutes, il est impossible de n’être pas frappé île tous les souvenirs qu’elle éveille. C’est là que s’est établi et a prospéré cet