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pas en de distribution au moment de combattre. Les transports manquent absolument. Il n’y a plus ni voiture, ni chevaux, ni même des bœufs dans le pays. » Ceci est écrit en novembre et décembre, après les revers de Jourdan et de Pichegru. Mais la détresse signalée en ces lettres révélatrices de l’imprévoyance et de l’incapacité du Comité de Salut public n’est pas le résultat de nos défaites. C’en est la cause initiale. On a été vaincu parce que tout était désorganisé. Dès le 26 août, le commissaire en chef Martellière, après avoir déclaré « qu’il est à court de 121 millions pour faire face aux dépenses ordonnées » et que, par suite, tout manque, s’écriait amèrement. : « Après une campagne aussi dure que la dernière, il était permis d’espérer un sort plus heureux, surtout lorsqu’une abondante moisson en fournit les moyens. Je vois qu’il faut s’attendre aux mêmes peines et aux mêmes inquiétudes. »

Les généraux ne parlent pas autrement que les représentons du peuple. Une lettre d’Abbafucci écrite à son ami Casabianca, au lendemain de la retraite de Mayence, éclaire d’une lumière éclatante et sinistre la détresse des armées de la République sur le Rhin. « Le général Pichegru tâche de rendre le courage aux troupes qui viennent de Mayence. Mais elles sont harassées, manquant de tout depuis longtemps et contre un ennemi bien plus nombreux et contre des soldats chaussés, habillés et nourris. Les officiers, nu-pieds comme les soldats, dans la misère et obligés de manger avec eux, n’ont plus d’autorité, et si le gouvernement ne change de marche, je ne sais ce que deviendront les armées qui ont fait trembler l’Europe. On ne peut compter sur aucun mouvement ; des entraves à chaque pas. Croirais-tu que le général en chef n’a pas le droit de faire donner une paire de souliers ? Il faut que cet ordre vienne de la commission, qui ne répond jamais. Les soldats, en se retirant, ont vu des magasins pleins d’effets militaires, tandis qu’ils étaient nus, et qu’ils ont dû laisser en arrière. Les commissaires des guerres sont absolument indépendans des généraux ; les gardes magasins sont indépendans des commissaires des guerres, et le service des approvisionnemens, des subsistances et de L’habillement est dans un état épouvantable. »

Voici d’autre part un jeune officier, Cochet fils, qui mande à son père, député à la Convention, que, sous Mayence et au moment d’en entreprendre le siège, on s’est aperçu qu’en dépit des