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(29 août) qu’on fasse exécuter un décret de messidor qui permet deux congés pour un mois par cent hommes. Ceux qui les obtiennent sont jalousés par les autres, qui sont tentés de partir sans congé et qui succombent journellement à la tentation, au moyen de quoi l’armée active se désorganise et se réduit à rien.

«… Il faut que vous sachiez tout. Nos armées et nos places sont sans vivres. Huningue, Brisach, Belfort, Sehlestadt sont sans provisions quelconques. Le général Pichegru presse en vain depuis plusieurs mois le commissaire ordonnateur en chef Martellière d’approvisionner ces places et l’armée. Comme, par la dernière loi, les commissaires des guerres sont pour ainsi dire indépendans des généraux, ils ne prennent les ordres que comme des considérations auxquelles ils ne défèrent que lorsqu’ils ne peuvent pas trouver de défaite. Martellière en a trouvé une. Il meurt de faim au milieu de l’abondance, et cela faute de fonds, et j’ai bien peur qu’il ne dise vrai. »

« L’année manque tout à fait de moyens pour soutenir la campagne, écrit un autre représentant, Rivaud. Vous nous laissez sans moyens pécuniaires. Je vous signale la mollesse du commissaire des guerres et l’indépendance des employés, qui ne veulent pas recevoir d’ordre des généraux. Malgré les demandes réitérées du général en chef, l’armée est privée de tout. » Le tableau que tracent ses collègues Garrau et Pfleiger n’est pas moins sombre. « La discipline est nulle, dit le premier. Les officiers sont dans la misère ; ils désertent comme les soldats. C’est la faute du gouvernement Aubry qui a tout désorganisé, qui, ne voulant pas le passage du Rhin, a laissé manquer ces deux armées des moyens d’attaque et de défense. Où tout cela nous conduira-t-il ? Il faut que, sans délai, le Directoire exécutif prenne les mesures les plus efficaces pour remédier à de si grands malheurs, sans quoi l’Alsace est envahie et la Lorraine menacée. Il me tarde infiniment de savoir quels sont les membres du Directoire exécutif. S’il est bien composé, ça pourra aller ; sinon, il faut s’attendre à une nouvelle révolution. » — « En résumé, ajoute de son côté Pfleiger, l’armée du Rhin est dans le plus affreux état. »

Mêmes constatations de la part du représentant Joubert. En arrivant au quartier général de Jourdan, il mande au Directoire que « la division de Bernadotte et celle de Championnet manquent de pain depuis trois jours, et que celle de Marceau n’avait