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dans sa pairie et qu’on ne peut plus s’y procurer avec le seul moyen d’échange que le soldat ait à sa disposition… J’invoque le génie de la liberté de pouvoir suppléer encore une fois à ce qui nous manque. Puisse-t-il m’être favorable ! »

Ce n’est pas seulement à Moreau et sous cette forme confidentielle qu’il exprime ses doléances. Elles reviennent à tout instant dans sa correspondance avec le Comité de Salut public et le Directoire. Ses soldats n’ont ni chemise, ni bas, ni souliers. A la date du 17 août, il manque cinquante-deux mille capotes pour les habiller. Souvent le pain fait défaut pour les hommes ; et de même le fourrage pour les chevaux, « qui meurent comme des mouches. » Les transports les plus urgens, l’artillerie même, soutirent de cette mortalité, qui bientôt réduira à rien la cavalerie de l’armée et entravera les opérations militaires les mieux combinées. « La plupart des officiers de cavalerie et d’état-major sont démontés et les dépôts pleins de cavaliers à pied qui ne rendent aucun service. » Le directeur des postes du Rhin mande de Strasbourg que, faute de fonds, de chevaux, de crédit, il ne peut plus assurer le service de l’armée. « Je n’ai que des dettes et il m’est dû par l’Etat plus de 600 000 francs. »

Le 31 août, Pichegru fait entendre au Comité un avertissement plus grave encore : « Je ne dois pas vous laisser ignorer l’inquiétude que j’éprouve de ce qu’aucune de nos places sur le Rhin n’est approvisionnée, malgré les instances que j’ai faites à ce sujet depuis plus de trois mois. L’ennemi en est sans doute informé, car je ne puis me persuader qu’il se déterminât à un passage du Rhin, s’il n’avait l’espoir de faire tomber bientôt une de nos places, faute de vivres, s’il parvenait à en éloigner l’année. Vos collègues s’occupent des moyens d’y pourvoir ; mais je redoute le temps qu’exigent ces approvisionnemens. » Plusieurs mois après, ces mêmes places, pour la plupart, manquaient encore de tout.

Le 14 novembre, après les horreurs de la retraite de Mayence, qui a infesté le pays de vingt mille fuyards, et durant laquelle « les meurtres, les viols, les pillages, tout fut commis, » le général en chef écrira : « Je presse l’approvisionnement de Landau. Lorsque je me plains aux commissaires des guerres de la lenteur qu’on y met, ils m’opposent le défaut de moyens de transport, qui fait souvent manquer de pain et de fourrage. Le général qui commande à Kaiserlautern m’a mandé qu’il n’en