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Pape : nous a-t-il fait défaut ? Non. Son concours dévoué nous a toujours été acquis, et c’est grâce à lui que, sur certains points du monde, nous avons pu maintenir l’exercice des droits que nous tenions de la tradition et des traités. Mais qu’arrivera-t-il, le jour où nous aurions enlevé aux congrégations religieuses le seul moyen qu’elles ont de se recruter, c’est-à-dire la liberté ? « D’autres nations, dit le Saint-Père, en ont fait la douloureuse expérience. Après avoir, à l’intérieur, arrêté l’expansion des congrégations religieuses et en avoir tari graduellement la sève, elle ont vu, à l’extérieur, décliner proportionnellement leur influence et leur prestige, car il est impossible de demander des fruits à un arbre dont on a coupé les racines. » Le bon sens l’indique en effet. Il est vrai que nos radicaux et nos socialistes sont parfaitement indifférens à des fruits que la politique française peut cueillir en Syrie, en Palestine ou en Chine : c’est si loin de leurs arrondissemens !


Les événemens d’Extrême-Orient montrent pourtant à quel point il nous importe d’avoir, dans ces régions, des ouvriers de la civilisation et de l’influence française : et au premier rang sont les missionnaires catholiques. La place nous manque pour nous étendre sur la situation actuelle, telle qu’elle ressort des dernières dépêches. Au reste, elle est encore fort confuse, et ne permet guère de prévoir quelle sera la suite des négociations. Lorsque les ministres ont eu remis leur note collective au prince Ching, il a semblé d’abord que toutes les difficultés s’aplanissaient comme par enchantement, et on a pu croire que le gouvernement chinois attendait cette note avec une impatience secrète, afin d’en ratifier tout de suite les conditions. Un édit impérial a autorisé Li-Hong-Chang et le prince Ching à tout accepter. C’était trop beau. La rapidité même avec laquelle tout s’était passé devait inspirer certaines inquiétudes. Avait-on bien compris à Si-Ngan-Fou ? N’y avait-il eu aucun malentendu ? Allait-on se mettre vraiment d’accord ? C’était l’hypothèse favorable. Mais une autre donnait à craindre qu’après avoir éprouvé leur faiblesse sur le terrain militaire, les Chinois n’espérassent se trouver beaucoup plus forts sur le terrain diplomatique : l’idée avait pu leur venir de passer de l’un à l’autre, au fond sans désarmer. De ces deux hypothèses, nous ne savons pas encore quelle est la vraie. À peine l’édit impérial avait-il autorisé Li-Hong-Chang et le prince Ching a signer l’arrangement, qu’un autre est venu le leur défendre. Mais on a aussitôt ajouté que ces deux grands citoyens, soucieux avant tout de l’intérêt de leur