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le port qu’il a lui-même assigné à son équipage. Il défendra donc son projet, et le fera de son mieux. Une fois à la tribune, il mettra son dilettantisme à le faire voter, sans se préoccuper autrement des conséquences. La Chambre le votera-t-elle ? c’est une autre question, et la solution nous en échappe. Elle votera, toutefois, quelque chose, et il est difficile de croire que ce quelque chose soit très bon.

On comprend donc parfaitement les inquiétudes du Saint-Père, telles qu’il les exprime dans sa lettre au cardinal-archevêque de Paris. Cette lettre se divise en deux parties distinctes. Dans la première, le Pape parle en pontife, et, s’adressant à un prélat, il rappelle ce que sont les congrégations religieuses, ce qu’elles ont fait dans le passé, ce qu’elles font encore dans le présent, enfin quels services elles rendent à l’Église. Quelle que soit l’importance de cette première partie de la lettre pontificale, ce n’est pas celle qui nous touche le plus au point de vue purement politique où nous nous plaçons en ce moment : la seconde nous frappe davantage. Après avoir énuméré les bienfaits que les congrégations catholiques répandent dans le monde, le Pape discute les reproches qu’on leur adresse. Les plus importans sont, d’abord, qu’elles échappent à l’autorité de l’ordinaire, c’est-à-dire des évêques qui sont seuls reconnus par le Concordat de 1801 ; et, ensuite, qu’elles détiennent des propriétés considérables, dont l’étendue et la valeur vont sans cesse en augmentant, qui seraient, pour la plus grande partie du moins, des biens de mainmorte, et dont l’accumulation présenterait dès lors un double danger, au point de vue politique et au point de vue économique et social. Bien qu’il repousse ces reproches comme non fondés, Léon XIII est trop éclairé pour ne pas sentir que les gouvernemens, quels qu’ils soient, ne peuvent pas se désintéresser des questions qu’ils soulèvent. En admettant même qu’il ne soit pas immédiat, le danger est toujours à craindre dans l’avenir. Qu’on s’en préoccupe, soit ; qu’on y veille, rien de mieux. Mais de là à supprimer les congrégations elles-mêmes, c’est-à-dire à tarir la source parce qu’elle pourrait, si elle grossissait démesurément, submerger tout un pays, il y a loin. Alors, que faut-il faire ?

Le Concordat ne dit rien des congrégations religieuses, pour la bonne raison qu’il n’en existait plus, au moment où il a été signé : si elles devaient renaître plus tard, on a préféré que ce fût en vertu de la législation intérieure, ou d’une simple tolérance administrative. Donc le Concordat est muet. Il ne supprime pas les congrégations ; il ne leur est ni favorable, ni défavorable ; il les ignore. En fait, les