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avoir pour conséquence l’acquisition de la personnalité civile ; la loi ne peut pas favoriser la création des biens de mainmorte, leur accroissement par dons ou legs de biens devant rester dans le patrimoine des familles, et qui peut-être y seraient demeurés sans certaines interventions.

L’autorisation préalable par une loi, exigée pour toute association dont les membres vivent en commun, c’est la mort cherchée des congrégations d’hommes.

On prétend la justifier par l’action politique qu’elles exercent, par le développement démesuré de leur fortune mobilière et immobilière, par l’accroissement de la mainmorte, créant un vrai péril économique et social.

Ces reproches ne sont pas fondés.

L’action politique hostile des congrégations est nulle, d’abord parce qu’elle n’est pas cherchée ; ensuite parce que, le fût-elle, notre temps, notre vie sociale ne la comportent pas.

Pour ce qui est de la mainmorte, le reproche qu’on adresse aux congrégations est moins justifié encore. Les biens possédés par les congrégations non reconnues, sous la forme de sociétés civiles, ne constituent pas la vraie mainmorte ; n’étant pas inaliénables, ils sont en réalité dans le commerce. Ils se vendent, s’échangent, s’hypothèquent, paient l’impôt. La valeur de ces biens, répartie entre toutes les congrégations n’ayant qu’une existence de fait, forme, pour chacune d’elles, un maigre patrimoine, suffisant malaisément à l’existence d’un grand nombre. La propriété individuelle, c’est la propriété vraie, réelle ; nul bloc à faire. Conséquemment, la puissance financière des congrégations n’est qu’un fantôme, comme l’est le péril que cette puissance peut faire courir à nos institutions, à notre société démocratique. Conséquemment aussi, les mesures proposées contre elles sont injustes, vexatoires, oppressives.

C’est l’évidence, dira-t-on, mais à quoi cela sert-il ? Ce n’est pas devant une question de droit et de justice que l’on se trouve, mais bien devant de vieilles haines qui se veulent quand même assouvir, devant des passions de secte que le vent qui souffle rend chaque jour plus violentes et plus implacables. Comment et pourquoi discuter avec des adversaires que rien ne pourra convaincre ? Peines et efforts perdus : il n’y a de pires sourds que ceux qui ne veulent pas entendre.