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tout pourra être respecté, non une loi préventive, avec laquelle, au milieu des conflits violens, des passions soulevées, tout sombrera, si bien qu’à la place de la loi d’ensemble, de la loi libérale qui nous manque, » pour reprendre les expressions de M. Jules Simon, on ne trouvera plus qu’une loi de haine et d’injustice, conséquemment qu’une loi passagère.


III

En fait, la liberté d’association est refusée aux associations d’hommes qui vivent en commun, ce qui veut bien dire, — personne, je pense, n’y contredira, — aux associations d’hommes dont la vie commune est unie par le lien religieux. D’ailleurs, point d’ambages et nulle équivoque possible devant le langage du rapport, qui, après avoir reproduit les dispositions concernant les associations qui ne pourront se former sans autorisation préalable, se borne à dire : « Ces termes visent les congrégations religieuses. »

Il faut même féliciter la commission d’avoir débarrassé son projet de la rédaction ambiguë que contenait l’article 2 du projet de M. Waldeck-Rousseau. « Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, à la constitution, à l’ordre public, aux bonnes mœurs, ou emportant renonciation aux droits qui ne sont pas dans le commerce, est nulle et de nul effet. » Renonciation aux droits qui ne sont pas dans le commerce, chacun comprend que c’est des associations religieuses qu’il s’agit, des vœux que peuvent faire leurs membres ; mais quel chemin de traverse pris et suivi pour arriver à un but que tout le monde aperçoit ! Mauvais chemin, dans les ornières duquel on risque de demeurer embourbé, par la raison qu’un religieux ne renonce à rien de ce qui n’est pas dans le commerce, ne s’engage que vis-à-vis de sa conscience et vis-à-vis de Dieu, demeure entièrement libre vis-à-vis des hommes auxquels il ne crée sur lui-même aucun droit civil d’une nature quelconque, ce qui fait que, là où il n’y a pas, où il ne peut y avoir de contrat, il ne peut y avoir une loi pour le permettre ou le défendre[1].

  1. Cette démonstration a été péremptoirement faite dans une très savante consultation signée de l’éminent professeur de la Faculté de Caen, M. Guillouard, et dans l’adhésion qui y a été donnée par M. Rousse avec cette élévation de langage et cette puissance d’argumentation qu’on avait déjà admirées dans sa consultation de 1880.