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trouvent en eux, à l’égard des congrégations, aucun sentiment de bienveillance.

Congrégations, monachisme, ces mots suffisent pour réveiller les passions de toutes les plus violentes, à savoir les passions religieuses. Les membres des congrégations étant, pour l’idée catholique, des instrumens particulièrement actifs de propagande, il est naturel qu’ils provoquent les haines des hommes qui ne veulent voir dans toute religion qu’un foyer de fanatisme et de superstition, les terreurs des esprits toujours disposés à croire la société civile menacée par des entreprises ayant plus ou moins un parfum de moyen âge, tandis que les croyans, atteints dans leur foi par les attaques dirigées contre ceux qui figurent parmi ses principaux défenseurs, crient à l’injustice et à la persécution. Il résulte de tout cela un trouble d’autant plus mauvais et dangereux qu’il pénètre dans les régions profondes, celles de la conscience, une telle mêlée d’intérêts, d’antipathies irraisonnées, de vieilles haines se rattachant à nos secousses sociales, d’animosités sectaires, comme aussi de croyances vraies, d’affections sincères, de dévouemens enthousiastes et respectables, qu’entre les ardeurs, sinon les exagérations de l’attaque, et de la défense, il devient malaisé de trouver une place d’où l’on puisse, avec quelque calme, étudier les élémens du problème et en chercher raisonnablement la solution.

Cette place, il faudra pourtant bien essayer de la faire et de s’y tenir.


I

On ne saurait, sans injustice, reprocher au personnel parlementaire de la troisième République d’avoir reculé devant le problème de la réglementation du droit d’association ; c’est plutôt une manière de hantise et d’obsession que l’on constate, quand on voit la question du droit d’association posée, depuis 1871, devant le Parlement, par trente-trois projets de loi, propositions, amendemens et rapports[1].

Tous ou presque tous sont dirigés contre les associations religieuses ; on y trouve entière la gamme de ce qu’on appelle les précautions prisés pour en empêcher le développement et

  1. Rapport de M. Trouillot, qui en donne l’énumération, p. 5.