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En même temps qu’il se perfectionne dans la figuration du paysage, ses études de terrains lui ouvrent des vues originales sur la géologie. D’autre part, ses dessins d’après les nuages et leurs mouvemens dans le ciel lui fournissent de précieuses indications pour la météorologie, et quand, le crayon ou la plume à la main, il représente aussi le mouvement des eaux courantes, celui des flots de la mer se succédant au large où se brisant sur les côtes, comme d’instinct, il en déduit les lois de l’écoulement des liquides, ou bien il s’ingénie à discipliner, à emmagasiner ces eaux, et à tourner ainsi à l’avantage d’une contrée des forces qui jusque-là n’avaient servi qu’à la destruction.

À mesure qu’il acquiert ainsi une habileté plus grande à reproduire tous les aspects des choses, son esprit comprend mieux les rapports qui les unissent entre elles, et, passant alternativement de l’art à la science, il montre le profit qu’un génie tel que le sien peut tirer pour les autres et pour lui-même d’un échange aussi fécond. La perfection est, en tout, la fin qu’il se propose, et non seulement tel est le but qu’il vise dans chacune de ses études, mais il veut qu’entre ces études, il y ait un lien, une suite, que leur ensemble mette entre les mains de l’artiste toutes les ressources propres à l’affranchir des servitudes auxquelles le condamnerait son ignorance.


III

Avec la tournure philosophique de son esprit, Léonard aimait, nous l’avons vu, à disserter sur son art. Il est donc naturel qu’au moment où les questions d’enseignement commençaient à nous préoccuper en France, on ait cherché à tirer de ses écrits une méthode rationnelle de dessin. Son aide a été, en effet, invoquée par un philosophe éminent, mort depuis peu, F. Ravaisson, à l’appui d’une théorie dont il présentait Léonard comme l’inspirateur, en opposition aux idées préconisées par M. Eugène Guillaume dans une remarquable conférence sur l’Enseignement élémentaire du dessin, faite le 23 mai 1866 à l’Union centrale des Arts décoratifs[1]. Hésitant à se prononcer entre deux doctrines qui se recommandaient de personnalités aussi en vue, la direction du Dictionnaire de Pédagogie de l’Instruction primaire

  1. Cette conférence a été reproduite dans le volume : Essais sur la Théorie du dessin par M. E. Guillaume. Paris, in-12, 1896.