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tous les degrés intermédiaires. Le peintre doit prendre l’habitude de noter rapidement ces valeurs, surtout pour les effets fugitifs, et l’excellence de cette pratique a été consacrée jusqu’à nos jours, particulièrement par Delacroix, qui y recourait, sans cesse et en avait fait une véritable doctrine. Suivant la judicieuse remarque de Léonard, « les ombres des arbres ne doivent jamais être noires, car où l’air pénètre, il ne saurait y avoir d’obscurité absolue. » Il indique les positions dans lesquelles, suivant l’angle où on les voit par rapport à la lumière, les feuilles montrent leur couleur, leur transparence ou leur luisant provenant des reflets du ciel. Il croit qu’il convient de ne pas trop multiplier les feuilles vues en transparence, « sous peine de produire la confusion dans les formes. » comme résultat de son expérience, il a remarqué que « la vraie manière de pratique pour figurer les campagnes avec leur végétation, est de choisir le moment où le soleil étant un peu voilé par des nuages, ces campagnes en reçoivent la lumière diffuse, universelle et non particulière, » c’est-à-dire celle qui dénature le moins les formes, les valeurs et les colorations et qui, à ce titre, lui paraît la plus normale. Mais il n’entend pas qu’on se limite à ce mode d’éclairage, qui finirait par aboutir à la monotonie, et il admire trop la variété intime des aspects de la nature pour qu’on s’interdise d’autres effets qui peuvent aussi avoir leur charme.

Léonard trouve de la beauté à toutes les plantes, même aux plus humbles, et il se plaît à constater que « parmi les arbres de même espèce, il n’y est pas un qui, considéré avec attention, soit de tout point semblable à un autre ; et il n’en est pas seulement ainsi pour les arbres, mais même pour leurs branches, pour leurs feuilles et leurs fruits, et il n’est aucun d’eux qui soit identique à un autre. » Il les dessine aussi fidèlement qu’il peut et s’applique à rendre minutieusement la nature de leurs écorces, la forme de leurs troncs, l’insertion des branches dans les tiges principales, la disposition de ces feuilles sur les branches, avec leur configuration variée suivant les diverses essences. Eclairé par la précision de ces dessins, Léonard transporte le bénéfice des enseignemens qu’ils lui ont fournis à des recherches d’ordre purement, scientifique qui ont marqué sa trace dans la botanique. Ses expériences sur les phénomènes de la végétation, sur la conformation des plantes et sur leur mode de nutrition, méritent encore ; aujourd’hui d’être appréciées par les savans.