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loin des allégories subtiles dont souvent l’explication nous échappe. Chaque année aussi, quand vient le printemps, il guette ses premiers sourires et rapporte de ses promenades dans la campagne les fleurs qu’il a cueillies, une touffe de violettes, des ancolies, des ellébores, des anémones, une rose d’églantier ou une branche de ronces qu’il place devant lui et que, plein de respect, d’une plume légère et attentive, il nous montre avec les inflexions gracieuses de leur feuillage et la délicatesse du tissu de leurs corolles.

La technique de ces dessins de Léonard n’est pas moins variée que les sujets qu’ils représentent. Tous les procédés, tous les matériaux lui sont bons : la mine d’argent, le crayon noir, la sanguine, la plume ou le pinceau, le papier blanc de ses manuscrits ou les feuilles légèrement teintées de ses albums sur lesquelles, par des rehauts de blanc, il exprime les lumières, ou bien à l’aide de quelques touches de lavis à l’encre de Chine il indique les valeurs. Avec ces ressources restreintes il obtient, quand il le veut, des prodiges de finesse, d’une exécution poussée à fond, mais toujours large, ou d’autres fois des croquis enlevés avec une sûreté étonnante, mais d’une correction impeccable et d’un charme exquis. Dans ceux de ces dessins qui sont faits au crayon noir ou à la mine d’argent, M. Galichon et après lui M. Morelli avaient cru reconnaître que les ombres étaient obtenues par des hachures parallèles, tracées uniformément en descendant et de gauche à droite. De cette façon de procéder, provenant suivant eux de ce que Léonard était gaucher, les deux critiques avaient même prétendu déduire un moyen de vérification pour l’authenticité de ses dessins. Mais si dans ses croquis sommaires et rapides on peut, en effet, constater assez souvent cette manière d’opérer, elle n’offre cependant pas, hâtons-nous de le dire, le caractère de généralité qu’on lui avait attribué. En tout cas, pour les études faites avec soin, en face de la nature, la direction des hachures et le travail plus ou moins serré, plus ou moins apparent dans les ombres, présentent, au contraire, une diversité extrême, en rapport avec les exigences du modelé des différens objets que le maître veut reproduire.

Ses procédés, toujours simples d’ailleurs, varient suivant ce qu’il se propose de faire. Le sens de la forme est par lui si nettement, si intelligemment déterminé, que même dans des dessins qui visent un but purement scientifique ou industriel, c’est