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s’enorgueillir, et qui leur impose des budgets militaires infiniment supérieurs à ceux des époques où ils savaient armer les puissances continentales de l’Europe les unes contre les autres.

De même que la durée et la difficulté de la lutte contre les Boers ont dépassé de cent coudées celles de la plupart des entreprises coloniales de l’Angleterre au XIXe siècle, de même les charges financières qu’elle paraît devoir imposer aux contribuables sont hors de proportion avec celles qui étaient nées des guerres antérieures. C’est plus spécialement ce côté de la, question que nous examinerons. Nous n’en ignorons point les difficultés ; il est malaisé de prévoir quelles charges seront imposées aux pays occupés en ce moment par les troupes anglaises et dont l’annexion à l’Empire a été proclamée, le 25 mai 1900, pour l’Etat libre d’Orange et le 1er septembre suivant, pour la République sud-africaine. Il n’en est pas moins instructif de montrer dès aujourd’hui l’énorme augmentation du budget de la métropole, les dépenses engagées dans le présent, celles qu’il faut prévoir dans l’avenir, enfin, l’effet considérable produit sur les marchés financiers, sur celui de Londres tout d’abord, et, pur contre-coup, sur ceux du monde entier, solidaires, jusqu’à un certain point, du premier. Diverses leçons d’une haute portée se dégagent de cette étude, qui nous apprendra comment une erreur politique peut compromettre ou du moins arrêter dans son développement une œuvre financière poursuivie avec une rare persévérance par plusieurs générations de grands ministres et d’hommes d’Etat à longues vues.

Nous ne pouvons pas encore dresser le bilan d’une campagne qui n’est pas terminée ; mais nous savons déjà quelles taxes nouvelles ont été établies en Angleterre et dans quelle mesure certains impôts ont été augmentés ; nous constatons, depuis un an, la tension du marché monétaire de Londres, duc en partie aux besoins de l’Echiquier[1] et à l’interruption des envois d’or de l’Afrique du Sud, qui venaient régulièrement réapprovisionner la Banque d’Angleterre. Aussi voyons-nous la réserve de celle-ci se tenir à un niveau inférieur à celui des années précédentes, tandis que les taux d’escompte s’y élèvent et s’y maintiennent à une hauteur qui dépasse la moyenne de ces mêmes années. Sans prétendre que tous ces phénomènes aient leur source

  1. L’Échiquier est le Trésor public anglais.