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CE QUE COÛTE
UNE
GUERRE IMPÉRIALE ANGLAISE


I

Lorsqu’il y a deux ans nous racontions ici l’histoire de la Dette anglaise, nous faisions l’éloge des finances de la Grande-Bretagne, c’est-à-dire de ceux qui en avaient eu la gestion depuis près d’un siècle. Or, comme il n’est guère de bonnes finances sans bonne politique, c’est à celle-ci que nos louanges allaient dans une certaine mesure. Nous étions loin de prévoir qu’à brève échéance ce pays, dont les hommes d’Etat avaient donné tant de preuves de sagesse, se laisserait entraîner à une guerre si différente de la plupart des expéditions qui avaient occupé les armées anglaises depuis 1815, et qui, à l’exception de la campagne de Crimée et de la révolte des Cipayes, ne méritent pas d’être rangées au nombre de ces épreuves décisives qui mettent en jeu la grandeur et la fortune politique d’une nation. Il est vrai que, depuis plusieurs années, une transformation profonde, mais encore obscure, se faisait dans l’esprit du peuple anglais, que nous avons vu peu à peu abandonner la tradition gladstonienne et celle même du torysme modéré, pour prêter l’oreille aux appels de l’impérialisme, cet état d’âme tout moderne de nos voisins. Déjà bien avant la campagne sud-africaine, leurs arméniens maritimes indiquaient la préoccupation qui les obsédait d’être prêts à toute éventualité et de ne pas redouter ce « splendide isolement, » dont un de leurs hommes d’Etat ne craignait pas de