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bienveillance du Saint-Père pour la France dans la nomination du nouveau nonce qui remplaça à Paris Mgr Meglia. Dans les premiers jours de juillet, le cardinal secrétaire d’État me dit que le Saint-Père avait l’intention d’élever, dans le courant de l’été ou de l’automne, au cardinalat les quatre nonces qui étaient en situation d’y prétendre et de les remplacer par des sujets qu’il avait choisis lui-même. Son choix pour la France s’était porté sur Mgr Czacki, avec lequel nous avions déjà traité à Rome bien des affaires délicates, et notamment celle des deux cardinaux élus dans le consistoire du 15 mai. C’était, en ce qui le concernait, la réalisation d’une idée déjà ancienne du Saint-Père, remontant à l’origine de son pontificat, car, le surlendemain de son exaltation, le nouveau Pape avait dit à Mgr Czacki : « Vous serez mon nonce à Paris. »

« Le nouveau nonce, écrivais-je dans une lettre particulière ; à M. Waddington, est un homme de quarante-cinq ans, allié aux meilleures familles de Pologne et de Russie, les Brunicki, Odescalchi, Potocki, en même temps qu’aux Strogonoff et aux Sherbatoff. J’entre dans ces détails pour vous faire bien comprendre que vous n’aurez pas affaire à un Polonais romanisé, susceptible de vous créer un embarras éventuel avec la Russie. Il parle notre langue comme vous et moi et l’écrit de même. Vous le comprendrez donc merveilleusement bien, et d’autant mieux qu’il fera tout son possible pour rapprocher le Saint-Siège de la France. Avec lui, tout vous sera facile, si vous savez en tirer parti, auprès de l’épiscopat français et envers d’autres, en dehors, bien entendu, de la lutte avec Rome, dans laquelle, malgré certaines dispositions législatives qui pourraient l’amener, comme je vous l’ai écrit particulièrement il y a une dizaine de jours, vous aurez le bon esprit de ne pas vous engager.

Je vous en dirais davantage encore, si je ne savais que c’est rendre un mauvais service à un homme, ou à une femme, que de vanter à l’avance le mérite de l’un ou la beauté de l’autre. Vous jugerez notre nouveau nonce à l’œuvre au mois d’octobre prochain, mais je crois pouvoir vous dire, avec certitude de n’être pas démenti, que depuis longtemps, à mon avis, le Saint-Siège n’aura pas été mieux représenté en France que par le candidat dont je soumets le nom à votre agrément. »

La lettre que l’on vient de lire était trop pressante, et j’ose dire trop justifiée, pour que le gouvernement de la République