nombre incalculable de contraventions, de délits et même de crimes de tous les genres. On ne s’est arrêté de remplir l’omnibus que lorsqu’il a été complet : après quoi, on l’a dirigé pesamment vers le Luxembourg. Lorsque la commission sénatoriale a procédé au déballage, elle a été épouvantée du nombre et de la qualité des coupables qu’on lui demandait de rendre blancs comme neige. Nous avons le texte de la loi sous les yeux ; on y lit des énumérations comme la suivante : « Tous les délits et contraventions de navigation maritime, de pêches fluviale et maritime, de détournemens d’épaves, de chasse en matière forestière, de contributions indirectes, de douanes, de grande et de petite voirie, de police sanitaire, de police de roulage, etc., etc. Qui se serait attendu, par exemple, à voir les détourneurs d’épaves en cette affaire ? Mais il y a des députés dont les arrondissemens baignent mollement dans la mer : ils n’ont pas oublié les électeurs que l’attrait d’une proie facile, et qui semblait s’offrir à eux, avait détournés de leurs devoirs. Tout cela n’est, en somme, que de la petite monnaie électorale. Le Sénat pouvait à la fois en gémir et en sourire. Mais il y avait des choses plus graves.
La Chambre avait compris dans l’amnistie les anarchistes tombés sous le coup des lois de 1893 et 1894, et les incendiaires de l’église Saint-Joseph. Les lois de 1893 et de 1894. ont été faites, l’une au lendemain du jour où, une bombe a éclaté dans la Chambre des députés, l’autre au lendemain de celui où un président de la République a été assassiné. Ce sont des lois de préservation sociale au premier chef. Elles ont si bien rempli leur objet qu’on n’a eu que très rarement à les appliquer, et M. le garde des Sceaux a pu dire au Sénat qu’il n’y avait actuellement qu’un seul anarchiste appelé à bénéficier de l’amnistie. La question n’était pas de savoir s’il y en avait un ou plusieurs, et le nombre ne faisait rien à l’affaire. L’anarchiste en question avait été gracié : cette mesure était suffisante et dispensait de recourir à une seconde. Quant aux incendiaires de l’église Saint-Joseph, ils avaient été graciés aussi : leur âge leur a servi d’excuse. C’est du moins ce qu’a expliqué M. le garde des Sceaux, et il aurait dû s’arrêter là. Il a eu le grand tort d’ajouter qu’un de ces petits misérables, après avoir encouru une peine afflictive et infamante, ne pouvait faire son service militaire que s’il était amnistié, et on juge de ce que l’armée risquait de perdre s’il ne le faisait pas ! Cet argument a produit la plus pénible impression. M. Waldeck-Rousseau l’a senti ; il a pris la parole à son tour, et a demandé au Sénat de ne pas s’arrêter aux détails de la loi. C’est, a-t-il dit, un « acte politique » qu’il s’agit