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loin d’offrir la grande résistance des véritables barres de sel sahariennes.

C’est la constitution de celles-ci qu’il fallait imiter ; et on y est parvenu. La Société marseillaise du Sel aggloméré, dirigée par M. Pierre Vincent, a réussi à mettre le sel, très pur, sous la forme de blocs très compacts présentant l’apparence et le poli du marbre blanc. A cet état, il occupe un volume moindre de moitié qu’à l’état ordinaire et moindre du tiers qu’à l’état comprimé, ce qui est une nouvelle commodité pour l’emmagasinage et le transport, il n’est plus hygrométrique et n’a presque rien à redouter de la pluie, de la rosée ou de l’humidité atmosphérique. Les visiteurs du pavillon du Soudan, à l’Exposition universelle, ont pu voir ces barres de sel aggloméré auxquelles on a donné précisément la même forme et les mêmes dimensions qu’aux plaques du Sahara, afin d’en faciliter le transport par les mêmes moyens et d’en permettre la substitution progressive au produit naturel.

L’administration des Colonies a encouragé ces efforts. Le général de Trenlinian, très préoccupé du développement économique du Soudan et des régions limitrophes, après avoir encouragé la mission pacificatrice de M. Coppolani chez les Maures, ne devait pas rester indifférent à cette utile et intelligente entreprise. Il a agi de tout son pouvoir pour en faire connaître les produits chez toutes les populations sur lesquelles nous avons de l’action. Comme les généraux romains à leurs troupes, il a donné à ses soldats, à ses tirailleurs soudanais, l’appoint de leur solde en sel : il en a fait leur salaire.

C’est à Kayes, sur le haut Sénégal, que s’organise la relève pour tous les postes de ces régions. Ces colonnes, avec leur long attirail, donnent, à quelque degré, l’impression de peuplades en migration : elles sont formées de tirailleurs soudanais traînant après eux leurs femmes, leurs enfans, leurs provisions et tout ce qu’ils, possèdent. Chemin faisant ces gens trafiquent avec les-tribus dont ils traversent les territoires. Les femmes vendent, achètent, échangent : elles essayent de se défaire des produits qu’elles emportent en surplus de leurs besoins, et les barres de sel sont du nombre. En munissant ces convois d’une large réserve de sel aggloméré, l’on employait sans doute le meilleur moyen d’en populariser l’usage.

D’autre part, les missions qui ont parcouru l’Afrique, en ces