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l’oxyde de fer, ou d’autres matières étrangères, gris, ronge on noir, a cependant, sur le sel d’importation, un avantage décisif : c’est qu’il est solide, maniable, qu’il résiste aux intempéries : qu’il voyage à nu sans que les convoyeurs prennent d’autres précautions que d’assujettir les plaques avec des planchettes ou des bâtons. Du lieu de production jusqu’à leur destination, ces barres de sel ont à parcourir des distances énormes, qui atteignent jusqu’à 2 000 kilomètres. Les frais d’un aussi long voyage, aggravés par les périls que courent les caravanes, expliquent la majoration qu’éprouvent les prix à mesure que l’on s’éloigne du point de départ. D’après les renseignemens fournis par le capitaine Binger à M. Charles Roux, en 1894 le sel, qui coûtait environ 1 franc le kilogramme à Tombouctou, valait 2 francs sur le haut Niger ; il atteignait le prix de 4 francs à Kong, et le dépassait au-delà, de ce point.

Le sel saharien est donc d’un prix élevé ; il arrive en proportion insuffisante ; et, dans les temps troublés qui ne permettent pas la circulation des caravanes, il n’arrive plus du tout.


On a compris l’intérêt considérable qu’il y avait à régulariser ce commerce et à satisfaire, en tout temps, aux besoins des populations pour lesquelles le sel représente un produit de première nécessité. L’industrie et le commerce français trouveraient un débouché immense dans le centre africain pour le sel qui se fabrique dans notre pays si on pouvait lui donner une forme aussi maniable qu’au sel saharien. M. Charles-Roux ne l’évaluait pas à moins d’un million de tonnes.

La condition essentielle était donc de renoncer au sel en grains et de fabriquer un sel plus compact et plus résistant. Les Anglais l’ont tenté, non pas, à la vérité, au profit des Africains, mais pour leurs propres besoins. On sait que nos voisins font usage du sel comprimé, et que, chez eux, au lieu d’une boite à sel, c’est un bloc de sel qui figure dans les offices et que la cuisinière râpe, quand il y a lieu, comme elle fait avec le sucre en pains.

Mais ce n’est pas encore la solution ; car ces barres, obtenues par compression du sel humide et séchage à l’étuve, absorbent encore assez facilement l’humidité : elles s’effritent et se désagrègent sous l’action des chocs et des frottemens : elles sont