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cet organe, n’aurait pas autant de vertu que l’excitation sensorielle due aux substances sapides. L’impression gustative serait plus efficace : elle ferait apparaître un suc plus abondant, plus énergique dans son action digestive, et à qui reviendrait la prédominance.

Les condimens, les assaisonnemens trouvent ainsi, en dehors de la gourmandise, une justification en quelque sorte physiologique. Ils assurent le fonctionnement de l’estomac.

Il pourrait y avoir, et il y a en effet, selon M. P. Lecomte, quelque exagération dans la doctrine de Pawlow ; la sécrétion chimique provoquée par le contact n’a pas, vis-à-vis de la sécrétion sensorielle, un rôle aussi sacrifié ; que le veulent les physiologistes russes. Quoi qu’il en soit, il reste à celle-ci uni : part encore assez belle : mettre en mouvement la digestion gastrique et en assurer en partie l’accomplissement[1]. C’est là, par conséquent, l’un des rôles du sel alimentaire.


Le sel fait quelque chose de plus. En même temps qu’il met on mouvement la sécrétion de l’estomac il on fournit les matériaux, ou tout au moins quelques-uns d’entre eux. L’acide chlorhydrique, qui caractérise le suc gastrique et assure son efficacité digestive, est emprunté au sel, au chlorure de sodium du sang. La même origine doit être attribuée aux autres composés chlorés qui se rencontrent dans la liqueur stomacale, chlorures fixes et chlore organique. En d’autres termes, la matière première des combinaisons chlorées du suc gastrique vient du sol alimentaire.

Ce n’est pas le lieu de dire comment, pour produire ce résultat, le sel du sang est décomposé dans la profondeur des glandes gastriques. Il s’agit là d’un problème qui a fortement préoccupé les chimistes-physiologistes contemporains et sur lequel ils ne s’entendent pas encore très bien. Maly a imaginé un mécanisme pour celle réaction ; Laudwehr en a proposé un autre. Il n’importe. Ce qu’il faut retenir, c’est que du sel est détruit en effet par la digestion gastrique, — et que l’équilibre de l’organisme exige qu’il soit remplacé. Si donc la perte de sol n’est pas, comme le veut Bunge, l’origine, le point de départ du besoin de sel, si général chez tous les peuples, elle en est tout au moins la conséquence et la justification physiologique.

  1. Voir la Revue du 1er novembre 1900.