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25 à 150 lois plus de potasse que de soude — ; d’autre part, le régime animal réduit l’apport de potasse sans réduire dans la, même proportion l’apport de soude ; il ne laisse guère pénétrer dans l’économie que de 2 à 5 fois plus de potasse que de soude.


Tout cela est parfaitement vrai, et intéressant en soi ; mais on peut se demander ce que cela peut avoir à faire avec la question qui nous occupe, et quel rapport caché il y a entre le taux de la potasse qui distingue les deux régimes alimentaires, et l’inégal besoin de sel qu’ils provoquent. M. Bunge a saisi ce rapport ou cru le saisir. Il déclare que, si nous aimons le sel de cuisine ou si nous le détestons, c’est la potasse qui en est responsable. C’est là, son postulat. Il le justifie par une série d’affirmations étroitement enchaînées : le besoin de sel est la conséquence d’une perte de sel subie par l’organisme, comme la soif est la conséquence de pertes d’eau dues à l’hémorragie, à la transpiration ou à d’autres causes : qui dit « besoin de sel » dit par là même « perte de sel » préalable. En second lieu, la perle de sel doit être un phénomène d’ordre chimique résultant de réactions de désintégration. Troisièmement, ce phénomène chimique étant, comme le prouve l’expérience, en rapport avec la diversité des régimes alimentaires, doit être en rapport avec leur caractéristique chimique, c’est-à-dire avec la différence des taux de potasse. Voilà la doctrine. La théorie étant amenée à ce point, le reste n’est plus qu’un jeu pour l’habile chimiste bâlois : il n’a pas de peine à découvrir le mécanisme par lequel les oscillations de la potasse introduite peuvent régler la proportion du sel rejeté.

Quand un théoricien déclare qu’une chose doit être — c’est, d’ordinaire, qu’il soupçonne qu’elle peut être autrement. Et cela arrive deux fois dans le raisonnement qui précède : de là deux fêlures dans la chaîne de ces propositions. Aussi, le principe de la théorie est-il incertain et peut-il être contesté. Il l’a été en effet.

Il est possible, contrairement à la doctrine de Bunge, d’accroître la quantité relative et absolue de potasse ingérée, sans faire naître la sensation du besoin de sel, et même, tout au contraire, en l’apaisant.

Lu exemple de ce genre est offert par les tribus nègres de l’Afrique qui consomment le sel de cendres. L’usage de ce