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sel, en supplément ; de la quantité qui est naturellement contenue dans Les mets usuels ? Cette interrogation met en cause la question plus générale de savoir quel rôle remplit le sel, une fois introduit dans l’organisme, à quels phénomènes physiologiques il participe, quelle évolution, en un mot, il y subit.

À côté de ces problèmes biologiques, l’usage du sel en soulève une infinité d’autres. Il en est un d’ordre géologique qui est près d’avoir reçu, tout récemment, une solution satisfaisante. C’est celui de l’origine des sebkhas, c’est-à-dire des gisemens de sel d’où la population du centre de l’Afrique tire cette précieuse denrée. Enfin, la tentative fort intéressante, due à quelques-uns de nos compatriotes, de faire concurrence, sur les marchés soudanais et congolais, à ce sel du Sahara, mérite aussi d’être signalée. Ce sont ces différens points que nous allons passer en revue.


I

Un examen attentif des lieux, des temps et des circonstances n’a pas tardé- à montrer que la consommation du sel, quoique très répandue, n’était cependant pas une pratique universelle. Tous les hommes ne salent point leurs alimens ; tous les animaux n’ont point de prédilection pour cet assaisonnement. Il en est, au contraire, qui lui sont indifférens ou même qui le repoussent et qui manifestent à son égard une franche aversion.

Il y a eu, dans l’évolution de l’humanité, un moment où le sel a commencé de s’introduire dans l’alimentation, c’est-à-dire, où s’est produite la découverte du sel. Ce moment est celui du passage de la vie pastorale et nomade à la vie sédentaire et agricole. Les langues indo-européennes n’ont pas de mot commun pour désigner le sel, ni la plupart des objets qui se rapportent à l’agriculture ; mais, au contraire, elles ont des racines communes pour tout ce qui a Irait aux occupations pastorales. On peut voir là une indication que les peuplades primitives qui ont donné souche à nos races actuelles, se sont séparées avant d’avoir quitté la vie pastorale. Elles n’ont connu que plus tard l’agriculture et, avec celle-ci, l’usage du sel.

Il y a des populations, des groupes ethniques, des castes, qui ne l’ont jamais adopté. Les prêtres égyptiens ne salaient point leurs alimens. Plutarque s’étonnait de ce dédain étrange.